La ville de Jijel et sa région n'ont jamais connu une augmentation des prix du poisson — toutes espèces confondues — autant que durant cette année, non à cause du manque de poisson, mais par le truchement de trabendisme d'un nouveau genre : les “exportateurs à perte”. Les étals des poissonneries, qu'ils soient au niveau du marché du centre-ville ou des poissonneries de la localité, sont largement achalandés, mais les prix pratiqués laissent indécis plus d'un. La sardine, poisson bleu, dont le prix n'excédait pas les 40 DA le kg, est cédée actuellement à 120. Le poisson blanc est à son pic avec un rouget, qui n'a rien de poisson de roche, cédé à 600 DA et le merlan se négociant à 800 DA. Cette valse a touché aussi les fruits de mer, avec le passage du prix au kilogramme de la crevette blanche de moins 200 DA à 500 DA. Quant à la royale et aux gambas, il n'y a pas lieu d'y songer, car le kilo se situe entre 1 500 et 1 700 DA, soit plus cher que le gramme d'or. Les autres crustacés, homard, langoustine et cigale rivalisent avec le prix du caviar. Et encore, faudra-t-il les trouver ! D'après les informations recueillies lors de notre enquête à travers le marché local, deux thèses sont avancées pour expliquer ce phénomène qui prive les citoyens d'un produit alimentaire de base. La première résulte du diktat imposé par certains mareyeurs, “parasites”, aux armateurs de pêche. La seconde, qui est toute aussi dangereuse, si ce n'est plus grave que la première, est l'œuvre de certains exportateurs de poisson vers la Tunisie, la France ou l'Italie. En effet, ces derniers raflent tout le poisson blanc et les crustacés à des prix défiant toute concurrence. Leur domiciliation bancaire déclarée dépasse rarement les 5 euros par kilo de poisson blanc. Or, et même au change parallèle, c'est l'équivalent de 455 DA, alors que le prix d'achat, niveau armateur, est de 600 à 700 DA. Autrement dit, l'exportateur vend à perte. Est-ce logique ? Selon des sources bien introduites dans ce domaine, le prix du kilo de poisson blanc algérien est rarement cédé à moins de 15 euros. On procède tout simplement à la minorisation de la valeur de domiciliation bancaire afin de leurrer le Trésor public, casser le marché local du poisson (couple rareté-cherté) et réaliser des affaires sur le dos de l'économie nationale. M. B.