"Au-delà du principe de sauver les emplois, c'est un titre de la presse qui disparaîtra du paysage médiatique national", s'inquiète le directeur de la publication, Hassan Gherab. "La Tribune s'arrête." C'est par cette petite phrase tranchante que le collectif du journal La Tribune a entamé son communiqué, rendu public hier, pour annoncer la fin de l'aventure intellectuelle de ce quotidien francophone qui a vu le jour en 1995, dans une conjoncture politique et sécuritaire exceptionnelle. "Après près de 22 ans d'existence, les propriétaires de la Sarl Omnium Maghreb presse, éditrice du titre, ont décidé et introduit, hier (mardi, ndlr), en référé, une demande auprès de la justice pour la cessation des activités de la Sarl et, par conséquent, du journal", a expliqué ce collectif qui regrette ne pas pouvoir faire face à l'asphyxie financière, essentiellement marquée par des dettes faramineuses. En effet, selon la même source, les dettes que le journal "ne peut honorer sont la raison invoquée pour cette mise en faillite". Et si les propriétaires de la Sarl Omnium Maghreb presse estiment que la cessation de parution du journal est l'ultime solution étant donné le poids des dettes, le collectif de La Tribune, lui, espère trouver des palliatifs contre la mise à mort de ce quotidien national d'information. Le collectif a estimé que "si les règles économiques prévoient effectivement cette solution extrême pour toute entreprise en difficulté, on ne peut, cependant, considérer un journal comme n'importe quel autre produit commercial, sans dénigrer la valeur des autres entreprises ou produits. Aussi, le collectif de La Tribune refuse-t-il une telle issue et appelle tous les responsables, à tous les niveaux et ayant la moindre once de pouvoir décisionnel, à réagir pour trouver une ou des solutions". Le collectif pense qu'il faut explorer la possibilité d'un échéancier pour le paiement des dettes ou toute autre forme de sauvetage financier pour sauver le journal. Le collectif maintient son espoir et a décidé de poursuivre son travail pour maintenir, "tant qu'il le pourra, La Tribune en vie". Contacté par nos soins, le directeur de la publication de La Tribune, Hassan Gherab, a affirmé que "le recours à cette solution, à savoir le dépôt de bilan du journal, renseigne sur l'ampleur des dettes et, du coup, sur l'asphyxie financière. Tout le monde est d'accord sur ce principe. Mais un journal n'est pas une entreprise comme les autres. C'est un produit intellectuel. Au-delà du principe de sauver les emplois, c'est un titre de la presse algérienne qui disparaîtra du paysage médiatique national". Pour M. Gherab, il est hors de question d'abandonner la bataille et "nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que La Tribune ne ferme pas". Pour sa part, le journaliste Moumene Belghoul a affirmé que "la décision de fermer le journal émane de deux actionnaires. Ces derniers ne nous ont même pas informés par un préavis". Ce n'est que ce matin (hier, ndlr) qu'ils ont pris la décision d'informer la rédaction. Cette mauvaise nouvelle nous a complètement déroutés. Elle est tombée tel un couperet. Selon notre interlocuteur, "depuis la mort de Hassan Bachir-Chérif, on a ressenti beaucoup de difficultés financières. On a essayé de contacter le ministère de la Communication. Peut-être qu'il réagira à cette situation pour sauver le journal et près de 100 emplois". Pour rappel, La Tribune a été lancé le 5 octobre 1995 par Kheïreddine Ameyar, Hassan Bachir-Chérif, Chérif Tifaoui, Djamel Djerrad, Baya Gacemi et Akram Belkaïd. Quelques mois après son lancement, ce journal a été fermé sur décision du gouvernement à cause d'une caricature. La Tribune a marqué plusieurs générations de lecteurs avant de sombrer dans une crise financière. FARID BELGACEM