Le texte consacre ce type de financement non conventionnel destiné à faire face au déficit budgétaire, à la dette interne et à alimenter le Fonds national d'investissement. Bref, à surmonter le manque actuel de ressources financières. Le Conseil des ministres a adopté, hier, un projet de loi portant amendement de la loi sur la monnaie et le crédit, pour introduire le financement non conventionnel. Ce mode de financement, indique le communiqué du Conseil des ministres, sera instauré pour une durée de cinq ans. "Il permettra au Trésor public d'emprunter directement auprès de la Banque d'Algérie pour faire face au déficit budgétaire, de convertir certaines de ses dettes contractées auprès des banques ou d'entreprises publiques, et d'alimenter le Fonds national de l'investissement de sorte qu'il puisse concourir au développement économique." Cette intervention de la Banque d'Algérie passe certainement par l'amendement des articles 45 et 46 de la loi relative à la monnaie et au crédit actuellement au en vigueur. L'article 45 de cette loi stipule que la Banque d'Algérie peut, dans les limites et suivant les conditions fixées par le Conseil de la monnaie et du crédit, intervenir sur le marché monétaire et, notamment, acheter et vendre des effets publics et des effets privés admissibles au réescompte ou aux avances. Le même article ajoute qu'en aucun cas, ces opérations ne peuvent être traitées au profit du Trésor, ni des collectivités locales émettrices. L'article 46 souligne que sur une base contractuelle, et dans la limite d'un maximum égal à 10% des recettes ordinaires de l'Etat constatées au cours du précédent exercice budgétaire, la Banque d'Algérie peut consentir au Trésor des découverts en compte courant dont la durée totale ne peut excéder 240 jours, consécutifs ou non, au cours d'une année calendaire. Parallèlement à l'introduction du financement non conventionnel, "l'Etat poursuivra la mise en œuvre de sa feuille de route pour la rationalisation des dépenses publiques en vue de la restauration de l'équilibre budgétaire dans un délai de cinq années". Conduites ensemble, soutient le gouvernement, "ces deux démarches écarteront le risque de toute dérive inflationniste". Les professeurs Raouf Boucekkine et Nour Meddahi avaient indiqué, dans une de leurs contributions, que "s'il est vrai que le financement monétaire est plus confortable pour le gouvernement, il est aussi dangereux à bien des égards car l'inflation est une taxe qui induit des distorsions". Malheureusement, notre pays a déjà connu cette expérience. "Suite au contre le choc pétrolier de 1986, les crédits de la Banque d'Algérie à l'Etat sont passés de 41,7 mds DA (14,3% du PIB) en 1985 à 65,7 mds DA (22,15% du PIB) en 1986, 81,2 mds DA (26,2% du PIB) en 1987 et 100 mds DA (28,9% du PIB) en 1988. Nous connaissons la suite de l'histoire pour l'inflation : 17,9% en 1990 ; 25,9% en 1991 ; 31,7% en 1992, etc" , rappellent les deux économistes. Mais notre pays qui traverse un trou d'air budgétaire très important en ce moment peut-il échapper à ce type de financement vu le retard pris par la réforme fiscale ? Le gouvernement le reconnaît : La situation des finances publiques est "préoccupante". Le recul de la fiscalité pétrolière a généré des déficits budgétaires répétés, entraînant la consommation de la totalité de l'épargne du Trésor qui était logée au Fonds de régulation des recettes (FRR), épuisé en février 2017. Les réserves fondent sans cesse passant de 193 milliards de dollars en mai 2014 à 105 milliards dollars en juillet 2017. Le Trésor a eu recours à d'autres ressources complémentaires (emprunt national, des versements exceptionnels de dividendes par la Banque d'Algérie et un emprunt extérieur auprès de la Banque africaine de développement). Cependant, la situation "demeure extrêmement tendue au niveau du budget de l'Etat : dans la situation actuelle, l'année 2017 sera clôturée avec des difficultés réelles, alors que l'année 2018 s'annonce plus complexe encore". Si le gouvernement ne peut pas échapper à ce type de financement, il ne devrait pas faire reposer le colmatage du déficit sur le seul financement monétaire de la Banque d'Algérie. Cette dernière aura des difficultés à concilier à la fois les besoins de soutenir le financement de la croissance, notamment de l'industrie hors hydrocarbures, des énergies et des services productifs marchands, et sa mission première de stabiliser l'inflation. Meziane Rabhi