Le gouvernement révèle que le recul de la fiscalité pétrolière a généré des déficits budgétaires répétés, entraînant la consommation de la totalité de l'épargne du Trésor qui était logée au Fonds de régulation des recettes (FRR) épuisé en février 2017. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a dressé, dans le plan d'action de son gouvernement, un tableau des plus sombres de la situation financière du pays. Après avoir ignoré les alertes de certains experts et des think tank, notamment Nabni et Care, accusés de distiller "des discours alarmistes", le gouvernement reconnaît ainsi, plus de trois années après sa survenance, la gravité de la crise économique et financière qui frappe l'Algérie. En effet, le plan d'action du gouvernement dresse un tableau sombre de la situation financière du pays et avertit des risques qu'elle véhicule, "en l'absence de solutions nouvelles". Depuis 2014, souligne le document dont nous détenons une copie, "l'Algérie est frappée par cette crise qui s'annonce durable, car rien ne prévoit, à court et moyen termes, un redressement sensible des prix du pétrole". Le gouvernement révèle que le recul de la fiscalité pétrolière a généré des déficits budgétaires répétés, entraînant la consommation de la totalité de l'épargne du Trésor qui était logée au Fonds de régulation des recettes (FRR) épuisé en février 2017. Mis sur pied en 2000, le Fonds de régulation des recettes était destiné à recueillir les recettes supplémentaires générées au-delà d'un prix de référence fiscal qui était envisagé, au départ, comme la base devant servir de norme pour mieux maîtriser l'évolution des dépenses budgétaires. En effet, le budget de l'Etat étant alimenté pour la plus grande part par la fiscalité d'origine pétrolière, l'idée était de mettre en place une forme de régulation qui permette de lisser sur une longue période la courbe de consommation des recettes, entre période de prix hauts et période de prix bas du baril de pétrole. Dans les faits, si cette démarche a pu être suivie au cours des premières années, la logique vertueuse qui en était à la base sera complètement oubliée chemin faisant. La dérive budgétaire a conduit ces dernières années à des déficits budgétaires et du Trésor significatifs dont le financement est assuré par le FRR. "Le Trésor a eu également recours à d'autres ressources complémentaires ces deux dernières années : un emprunt national, des versements exceptionnels de dividendes par la Banque d'Algérie, et un emprunt extérieur auprès de la Banque africaine de développement, pour l'équivalent d'une centaine de milliards de dinars", rappelle le plan d'action du gouvernement. En d'autres termes, l'Etat a épuisé son épargne interne. "Dans la situation actuelle, l'année 2017 sera clôturée avec des difficultés réelles, alors que l'année 2018 s'annonce plus complexe encore", insiste le gouvernement, évoquant "une situation extrêmement tendue au niveau du budget de l'Etat". Selon le plan d'action, l'Algérie a enregistré un important déficit commercial (plus de 20 milliards de dollars en 2016), et un déficit continu de la balance des paiements (plus de 26 milliards de dollars à fin 2016). Cependant, le gouvernement tente de tempérer en expliquant que l'Algérie n'est pas en cessation de paiement. Elle "demeure économiquement souveraine, grâce aux réserves de change accumulées durant les années passées", affirme le gouvernement précisant que "ces réserves de change fondent sans cesse, passant déjà de 193 milliards de dollars en mai 2014, à 105 milliards de dollars en juillet 2017". Le plan d'action évoque "les risques que la crise financière fait peser sur le pays, en l'absence de solutions nouvelles". Il cite, notamment, une incapacité à assurer la dépense publique, avec des conséquences économiques, sociales et même politiques périlleuses pour le pays. Il fait référence, également à la "perte de souveraineté économique, commençant par un recours massif à l'endettement extérieur, avec, à moyen terme, une incapacité à honorer le service de cette dette, entraînant le recours aux institutions financières internationales en contrepartie de mesures économiques et sociales draconiennes". Meziane Rabhi