Dans le contexte actuel, une indépendance du Kurdistan irakien entraînera des bouleversements politico-sécuritaires qui risquent de plonger toute une région dans le chaos. Le référendum d'indépendance du Kurdistan irakien suscite une vague de rejets aussi bien à l'intérieur du pays qu'ailleurs, où plusieurs pays et organisations internationales, à leur tête l'ONU, estiment qu'il est inopportun d'organiser ce scrutin, prévu pour le 25 septembre. Moins d'une semaine après le "non" du Parlement irakien à Baghdad, c'était au tour de la Cour suprême irakienne, la plus haute instance judiciaire du pays, d'ordonner hier la suspension de ce référendum. "La Cour suprême a émis un ordre de suspendre la procédure d'organisation du référendum prévu le 25 septembre sur ordre de la présidence du Kurdistan, jusqu'à ce qu'elle examine les plaintes qu'elle a reçues, affirmant que cette consultation est anticonstitutionnelle", a indiqué un communiqué de cette institution. Cette décision intervient alors que l'ONU a proposé au président du Kurdistan, Massoud Barzani, de renoncer au référendum sur l'indépendance de cette région autonome du nord de l'Irak en échange de son aide pour parvenir à un accord avec Baghdad d'ici moins de trois ans. Le document – présenté jeudi au chef kurde par l'émissaire de l'ONU en Irak, Jan Kubis – propose des négociations immédiates entre les Kurdes et le gouvernement fédéral irakien. Dimanche, c'était au tour d'Antonio Guterres, le Secrétaire général de l'ONU, de réagir via un communiqué. Pour Antonio Guterres, "une décision unilatérale de tenir un référendum en ce moment amoindrirait les objectifs de vaincre le groupe Etat islamique, de reconstruction des territoires repris et de faciliter le retour sécurisé, volontaire et digne de plus de trois millions de personnes et de personnes déplacées", a rapporté dans un communiqué son porte-parole, Stéphane Dujarric, appelant les différentes parties à la "retenue". Antonio Guterres "respecte la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'unité de l'Irak et considère que toute question entre le gouvernement fédéral et le gouvernement régional du Kurdistan doit être traitée via un dialogue structuré et un compromis constructif", a précisé le porte-parole. Le vice-président et ex-Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a prévenu lui aussi, dimanche, que le référendum du 25 septembre aura des "conséquences dangereuses" pour l'Irak. Hier, le ministre britannique de la Défense, Michael Falon, a affirmé à Baghdad qu'il se rendrait dans l'après-midi à Erbil "pour dire à Massoud Barzani que nous ne soutenons pas le référendum kurde. Nous sommes attachés à l'intégrité de l'Irak et travaillons avec l'ONU à des alternatives au référendum". Les Etats-Unis ont réclamé également l'abandon de ce projet de référendum, jugeant qu'il serait "provocateur" et "déstabilisant". "Nous appelons le gouvernement régional kurde à abandonner le référendum, à entamer un dialogue sérieux avec Baghdad dans lequel les Etats-Unis ont toujours été prêts à jouer un rôle de facilitateur", indique l'exécutif américain dans un communiqué. Ce référendum inquiète par ailleurs vivement les pays voisins, comme la Turquie ou l'Iran, qui redoutent qu'il n'encourage les velléités séparatistes de leurs minorités kurdes. Les responsables kurdes affirment qu'une victoire du "oui" n'entraînerait pas aussitôt l'annonce de l'indépendance, mais leur permettrait de lancer, en position de force, de nouvelles négociations avec le pouvoir à Baghdad. Lyès Menacer