Pour le président du RCD, jamais la Kabylie n'a été autant agressée comme c'est le cas aujourd'hui ; une attaque orchestrée par la volonté d'un pouvoir “prédateur qui vise à son évacuation de la géographie politique nationale.” Le leader du RCD a appelé l'assistance à participer massivement à la marche de demain. Ses coups de semonce ont restitué à la Kabylie sa mémoire militante, en ce 25e anniversaire du Printemps amazigh, “que le pouvoir insulte, aujourd'hui, avec une rare indignité”. La conférence de Saïd Sadi, hier, à l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou a drainé une foule très nombreuse, constituée d'étudiants, d'enseignants et d'anciens détenus d'Avril 1980, entre autres Idir Ahmed Zayed et Mouloud Lounaouci. Une fidélité que le principal animateur du mouvement de 1980 a tenu à saluer. Il dit toute sa fierté, maintenant que l'université, “initiatrice et témoin de nos luttes (…) retrouve sa vocation d'avant-garde du combat démocratique”. Son discours a été un véritable réquisitoire contre le pouvoir sur lequel, arguments à l'appui, il est tombé à bras raccourcis. Sadi part d'un postulat évident : à chaque fois que la Kabylie est agressée, l'Algérie a régressé. Et pour étayer son argumentaire, il convoque l'Histoire. “La justesse et la générosité des luttes menées dans notre région ne suffisaient pas à trouver l'écho et la solidarité nécessaires à leur accomplissement dans le pays”, constate le docteur Sadi qui rappellera que la Kabylie avait connu un reflux politique après l'assassinat de Abane Ramdane. C'est ce déclin qui avait hypothéqué le projet démocratique de l'Algérie indépendante. Mais, pour lui, jamais la Kabylie n'a été autant agressée comme c'est le cas aujourd'hui ; une attaque orchestrée par la volonté d'un pouvoir “prédateur qui vise à son évacuation de la géographie politique nationale”. L'orateur dit assister à un véritable programme de déstructuration généralisée de la Kabylie. La méthode pour ce faire reste l'humiliation par la corruption, alors que les acteurs promus pour une telle mission “sont choisis parmi ceux que la société voit comme des marginaux, prêts à assumer le déshonneur dans une région où la sanction suprême était l'excommunication”. Le président du RCD estime que la finalité de cette démarche est d'attaquer les élites kabyles pour pulvériser la région et, à travers elle, soumettre la nation. Cette offensive, expliquera le conférencier, est soutenue par une stratégie de pollution et de perversion des repères et structures portant la mémoire militante de la Kabylie. C'est pour cela d'ailleurs que ni le MCB et le 20 Avril, ni la JSK, ni Matoub, Mohia et Mammeri n'ont échappé à la manipulation. Aux yeux du pouvoir, poursuit Sadi, la mémoire communautaire doit être brouillée autrement effacée, et les martyrs du Printemps noir livrés à l'oubli et au marchandage. Car, pour lui, “l'amnésie en Kabylie conditionne l'amnistie en Algérie”. Ouyahia ainsi que ses partenaires dans le dialogue que Sadi qualifie de “délégués gouvernementaux” en auront pour leur grade. La visite quatre ans plus tard du Chef du gouvernement de la tombe de Massinissa Guermah est perçue par Saïd Sadi comme une insulte au martyr de la Kabylie. Devant cette volonté de polluer la mémoire et les repères de la région, Sadi reste lucide et préfère faire une évaluation saine un quart de siècle après Tafsut Imazighen. Il suggère d'abord de protéger l'honneur de la région devant cette déferlante qui vise à briser toute forme d'expression politique et solidaire dans cette région considérée comme la locomotive du combat démocratique national. “Ce 25e anniversaire, propice à la réflexion, doit nous permettre d'ouvrir de nouvelles pistes. La classe politique, les métiers de la communication, la société civile peuvent, à la faveur du martyre kabyle, trouver l'occasion pour un nouveau démarrage”, considère le Dr Sadi pour qui la construction démocratique se réalisera par la démocratie de proximité et le pouvoir local. L'occasion pour Sadi d'aborder les partielles. “Pour les prochaines élections locales, le régime a préparé son agent : le Chef du gouvernement. Il lui a fixé ses objectifs et ses cibles : empêcher la régionalisation de se construire par le bas, en polluant des comités de village”, informe le leader du RCD, ajoutant que l'argent “est débloqué pour approcher les individus les plus fragiles en vue de les impliquer dans les listes indépendantes” déjà noyautées par ses “partenaires”. Et à Sadi d'asséner : “Faute d'imposer les partis du pouvoir dans les élections locales, le gouvernement s'occupe à parasiter des structures villageoises pour bloquer des représentations populaires cadrées par les élites politiques de la région qui sont globalement acquises au concept de régionalisation.” Il a appelé, enfin, l'assistance à rejoindre la marche de la CLE demain mercredi. Y. A.