Outre son aspect injuste, ce prélèvement obligatoire risque de contribuer à créer un rapport malsain à la propriété d'un bien immobilier. à la lecture des détails sur l'impôt sur la fortune, disposition contenue dans le projet de loi de finances 2018, on peut déduire que ce ne sont pas uniquement les riches qui seront concernés par ce prélèvement obligatoire. "Beaucoup d'Algériens seront touchés par cette mesure. Le seuil, 5 milliards de centimes pour être frappé par cet impôt, s'avère trop bas. Il fallait fixer un seuil minimum de 10 à 30 milliards de centimes", commente un spécialiste. Explication : nombreux sont les Algériens qui disposent d'un bien immobilier dont la valeur dépasse les cinq milliards de centimes. Une petite villa ou un appartement bien situé peut dépasser ce montant. Il faudra, cependant, nuancer : les habitations principales ne sont pas concernées. Mais nombre d'Algériens disposent par héritage d'une seconde habitation sans toutefois disposer de revenus très élevés. Cet impôt les obligerait probablement à vendre leur second bien immobilier pour être en règle avec le fisc. Ce qui est injuste, quand on sait que d'immenses fortunes échappent à l'impôt. Il faut savoir que l'impôt sur la fortune qui remplacera l'impôt sur le patrimoine appliqué à partir de janvier 2018 touchera biens immobiliers, voitures de luxe, or et métaux précieux, bijoux, yachts et bateaux de plaisance, avions de tourisme, chevaux de course, pierres précieuses et œuvres d'art estimées à plus de 50 millions de centimes. Un véhicule particulier dont la valeur dépasse 1 milliard de centimes sera taxé dans le cadre de cet impôt. Le seuil d'imposition est fixé entre 1 et 3,5% de la valeur du patrimoine. "Entre 5 et 10 milliards de centimes, le seuil est de 1%. Entre 10 et 20 milliards de centimes, il est fixé à 1,5%. Entre 20 et 30 milliards de centimes à 2%. Entre 30 et 40 milliards, le barème est de 2,5%. Au-delà de 40 milliards de centimes, c'est 3,5%", rapporte une source sûre. Par rapport à l'impôt sur le patrimoine, le barème est doublé. "L'impôt dû au titre d'un patrimoine évalué à 35 milliards de centimes, le contribuable touché paiera, en 2018, 525 millions de centimes contre 200 millions de centimes en 2017", indique le document cité par l'APS. Cet impôt est, en outre, difficilement recouvrable, ajoute la même source. Ce n'est pas facile d'évaluer le patrimoine d'un contribuable. L'opération n'est pas à l'abri de fausses déclarations, de dissimulations de biens, en contexte d'incapacité de l'administration à recouvrer tous les impôts. Il encourage, en outre, la corruption. Pour échapper à cet impôt, nombreux seront tentés de donner du bakchich. "Il ne rapportera pas grand-chose" Il fallait, suggère-t-il, au préalable, cibler les vrais riches, commencer par identifier les fortunes en Algérie avant de l'instituer afin que cet impôt soit à la fois efficace et juste. "C'est vraiment de la poudre aux yeux. Ce n'est pas ainsi que les Algériens partageront le fardeau de la crise, du moins pas uniquement de cette manière que les riches se solidariseront avec les autres Algériens touchés de manière sévère par la cure d'austérité", observe un autre spécialiste. Il a ajouté qu'on institue cet impôt alors que leur fortune est essentiellement à l'étranger (allusion aux oligarches). Cet impôt s'avère d'autant plus injuste que les fortunes tirées des activités informelles ne sont pas touchées, commente un expert. Quant au rendement de l'impôt, le premier spécialiste estime que ce prélèvement ne va pas rapporter grand-chose dans cette situation de crise financière. Déjà l'impôt sur le patrimoine ne rapportait que 2 à 3% de l'ensemble de la fiscalité ordinaire recouvrée. Il faut savoir que l'essentiel des ressources fiscales ordinaires provient de l'impôt sur le revenu global (IRG), qui est principalement un prélèvement sur les salaires des travailleurs et, dans une moindre mesure, par l'impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS). L'institution de ce prélèvement obligatoire ne modifiera en rien le caractère injuste de la fiscalité algérienne où les simples travailleurs, les cadres moyens et supérieurs, les fonctionnaires ainsi que les entreprises de production notamment les plus dynamiques paient plus d'impôts que les autres contribuables. Il crée, tel qu'il est conçu, un rapport malsain à la propriété d'un bien immobilier. En clair, tout se passe comme si on culpabilisait l'Algérien qui possède un bien légalement acquis avec cette logique. K. Remouche