Le 6 mars dernier, une enquête exclusive du supplément sport de Liberté révélait que le ministre de la Jeunesse et des Sports avait délivré ces dernières années plus de 100 diplômes de complaisance à d'anciens internationaux de football. "Il est anormal que le MJS délivre un diplôme de troisième degré, soit plus de 2 000 heures de formation, à une personne juste pour son passé footballistique, ou un second degré par complaisance. Dans la décision 301 du MJS qui traite des diplômes sportifs, datée du 2 novembre 1997, il est stipulé clairement que les cycles de formation du MJS ne concernent que le diplôme de 1er degré pour ex-internationaux. C'est une façon de les introduire dans le cycle de formation, mais on constate que le MJS a outrepassé cette dérogation pour élargir son champ d'application aux 2e et 3e degrés, ce qui est illégal vis-à-vis de la loi", écrivait Liberté. Le journal avait cité justement le nom de Rabah Madjer parmi les principaux bénéficiaires de ces largesses des pouvoirs publics. Cependant, avec la candidature de Rabah Madjer pour le poste de sélectionneur national, ce dernier a-t-il le droit de postuler réglementairement à cette fonction ? Remplit-il en fait tous les critères de diplômes requis pour entraîner les Verts ? "A priori oui, car Madjer possède le diplôme de 3e degré délivré par le MJS. Qu'il soit légal ou complaisant comme vous dites, du point de vue de la loi, Madjer peut faire valoir ce diplôme pour déposer sa candidature", note un spécialiste du sport. Mais, s'empresse-t-il d'ajouter : "Il faut savoir que Madjer n'a pas travaillé pendant 11 ans à ma connaissance. Or il existe un article dans le décret n° 6-296 du 2 septembre 2006, inscrit au Journal officiel du 6 septembre 2006, qui stipule grosso modo dans son article 51, qu'en cas de cessation d'activité volontaire pendant plus de 3 ans, le sportif de haut niveau perd la validité de son diplôme. C'est du reste d'usage aussi dans le monde entier car vous ne pouvez pas changer de métier pendant 11 ans, revenir dans le circuit de l'entraînement et faire comme si de rien n'était, c'est insensé. Vous devez naturellement vous recycler...". Cet article de loi que nous avons retrouvé empêcherait donc Madjer de signer un contrat avec la FAF. Le chapitre 5 du décret exécutif 06-296 2006, réservé au cas de suspension et retrait de la qualité d'entraîneur de haut niveau, indique dans son article 51 que le "le retrait de la qualité d'entraîneur de haut niveau à titre définitif intervient notamment en cas (...) de cessation volontaire des activités liées à la qualité d'entraîneur de haut niveau", soit exactement le cas de Rabah Madjer qui a cessé volontairement d'entraîner depuis 11 ans. Que fera, du coup, la Fédération de football pour contourner la loi puisque, visiblement, Zetchi insiste pour installer dans les prochaines heures Madjer coûte que coûte et au mépris des lois de la République ? "La FAF n'est pas tellement regardante vis-à-vis loi, sinon comment expliquer que des membres du bureau fédéral continuent à siéger au niveau de leurs clubs et de leurs ligues alors que la loi interdit le cumul de fonctions et surtout les conflits d'intérêt qui en découlent", ajoute notre interlocuteur. En effet, un décret exécutif signé par Abdelmalek Sellal évoque cette interdiction de cumul de fonctions. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, El Hadi Ould Ali, lui-même avait reconnu en juillet dernier que cette proscription concerne tous les élus au sein des fédérations et des ligues. "Le cumul de fonctions est interdit par la loi, que ce soit pour le poste de président ou de simple membre de bureau fédéral", avait indiqué Ould Ali au micro d'une chaîne de télévision privée. Autrement dit, un dirigeant d'un club ou d'une ligue doit quitter ses fonctions d'origine une fois élu à la fédération. Du coup, Rebouh Haddad, Ould Zmirli, Koussa doivent démissionner de leurs clubs respectifs pour garder leur poste au sein de la Fédération de football. Ils peuvent aussi renoncer à leur qualité d'élu. En fait, Ould Ali ne fait que se conformer au décret exécutif 16-153 du 23 mai 2016 signé par le Premier ministre Abdelmalek Sellal, qui stipule dans son article 14 que "le dirigeant sportif bénévole ne peut être en conflit d'intérêts avec... le club sportif en rapport avec la responsabilité de la fonction". Le bureau fédéral de la FAF compte 8 membres affiliés à un club ou une ligue, à savoir Kheireddine Zetchi, Rebbouh Haddad, Messaoud Koussa, Amar Bahloul, Noureddine Bakiri, Mohamed Ghouti (présidents de ligue) et Larbi Oumammar (DG adjoint de la SSPA/ASMO). Samir Lamari