"La cour révolutionnaire qui sera présidée par le commandant Abdelghani, membre du Conseil de la Révolution et chef de la 5e Région militaire, sera composée du commandant El-Hachemi Hadjeres et de Fardheb Boumedienne, conseillers assesseurs et des capitaines Seddik Mediouni, Abdelhamid Latrèche, Mohamed Benmoussa, Hocine Hamel, Athmane Bouziane, Makhlouf Dib et Mabrouk Adda. Le siège du ministère public sera occupé par le commandant Ahmed Draïa, procureur général, assisté de M. Henni Merouane, substitut général." Telle a été l'annonce faite par le journal El Moudjahid à l'ouverture du procès de Krim Belkacem et des militants du MDRA en date du 24 mars 1969. Alors qu'il publiait la liste des juges pour la parodie de procès du MDRA, El Moudjahid insérait sans retenue et sans pudeur une dépêche faisant état d'une lettre adressée à l'ONU par Ali Farrah, président de la commission sur l'apartheid dénonçant "le nouveau crime que se préparaient à commettre en Afrique du Sud les tribunaux racistes contre douze Africains" et exigeait l'arrêt du procès et la libération inconditionnelle des prisonniers ! Un comportement et des pratiques toujours en vigueur du fait que la nature du système n'a point changé. N'a-t-on pas vu dans diverses occasions un ministre de la Justice aller dans des concerts internationaux défendre l'indépendance de la justice et des juges, le respect du droit ainsi que celui des droits humains, alors que dans son pays l'Algérie, on parle de "petits juges" pour le peuple "d'en haut" et de "grands" juges pour le peuple "d'en bas" ?! N'a-t-on pas vu cet autre responsable du Conseil constitutionnel aller discourir sur les vertus du respect de la Constitution quand dans son pays il a cautionné toutes les dérives et le viol de la Constitution dans des moments cruciaux pour l'Algérie ? C'est ce même régime, ce même pouvoir, ce même système qui a ordonné le lâche assassinat de Krim Belkacem. Après dix-sept jours de simulacre de procès, celui de la Cour révolutionnaire d'Oran, le verdict tomba sans appel : Krim Belkacem est condamné à mort par contumace avec, en prime, un véritable appel au meurtre (une fetwa de nos jours) publié cette fois dans le quotidien de l'Ouest La République : "Tout Algérien se doit d'être l'auxiliaire de la justice en exécutant la sentence de mort en tout lieu et à tout moment." Après cette condamnation et cet appel, la chasse à l'homme pouvait commencer. L'ordre donné, chacun de son côté (services officiels et services parallèles) utilise ses propres ressources, ses propres moyens, ses propres relais, pour prendre contact avec Krim, ce qui explique tout le flou entretenu et entourant son assassinat. Une chose est certaine : l'assassinat de Krim Belkacem est un crime d'Etat commandité par le pouvoir de Boumediene et exécuté par des agents de services indifférents à l'illégalité des missions qui leur sont confiées. L'assassinat de Krim Belkacem le 18 octobre 1970 dans sa chambre d'hôtel à l'Intercontinental en Allemagne fédérale n'a été possible que grâce à la conjonction et la complicité de plusieurs services, certains "passifs", d'autres "actifs", et la collaboration de plusieurs personnes parmi les plus insoupçonnables. Passons sur la complicité des proches, sur les détails qui ont précédé le rendez-vous fatal du 18 octobre 1970. Passons sur le concours des services marocains qui ont donné l'itinéraire, le pseudonyme de Krim Belkacem, alias Mohamed Maâmeri et d'autres informations entre les 15 et 16 octobre à des éléments ayant fait partie du complot. Mais que dire du refus de la France de permettre à Krim Belkacem de rencontrer les émissaires de Boumediene sur son sol ? La lettre de M. Buron, un des signataires des accords d'Evian, adressée au président français Georges Pompidou demandant des explications sur ce refus n'a jamais obtenu de réponse ! Que dire de l'attitude des autorités de l'Allemagne fédérale, pays de démocratie, de liberté, des droits de l'homme et surtout un Etat de droit, dans l'affaire Krim Belkacem qui s'est déroulée chez elle ? À son entrée sur le territoire allemand, la police allemande est venue lui proposer sa protection. Pourquoi ? Contre qui ? Savait-elle que Krim était menacé ? Krim, mis en confiance par ses amis d'Alger, soucieux de la gravité de la situation dans laquelle se trouvaient ses militants incarcérés dans les geôles du pouvoir, ne pouvait décliner l'offre de la rencontre-négociation avec les émissaires de Boumediene. Krim pouvait-il les abandonner ? Avait-il d'autres choix ? En ce 18 octobre 2017, 47 ans après ce lâche assassinat de Krim Belkacem, nous nous retrouvons comme chaque année à ce redez-vous de la mémoire et de la vérité empêchée. Et comme chaque année, l'Etat, ses représentants seront, bien sûr, absents, ce qui dénote le malaise de ce pouvoir et de ses représentants devant ce monument et ce Héros de l'Algérie combattante. Par Le Dr Maiz Membre fondateur et ex-secrétaire général du MDRA