Les 28 Etats membres de l'Union européenne qui devaient prononcer ce matin le renouvellement ou non de l'autorisation du glyphosate ont reporté le vote à une date ultérieure. Pourtant, sa licence d'exploitation dans l'EU expire le 15 décembre 2017. Laissant ainsi la porte ouverte au « débat ». La Rédaction Digitale de « Liberté » (#RDL) Djamel Belaïd, ingénieur agronome pour répondre à plusieurs questions concernant la polémique du glyphosate et ses effets sur la nature.
[Interview réalisée par Imène AMOKRANE]
#RDL : Quelles sont répercussions du glyphosate sur la nature ? Djamel BELAID : Les études scientifiques sont partagées concernant la nocivité du glyphosate. On appliquera donc le principe de précautions. A l'étranger et notamment en France, beaucoup d'opposants à l'utilisation de ce produit réagissent en fait contre la multinationale Monsanto. Celle-ci est en effet à l'origine du développement très controversé des OGM (organisme génétiquement modifié, ndlr) en agriculture. Des agriculteurs étrangers utilisent le glyphosate pour hâter la maturité de certaines de leurs cultures telle le colza. D'autres pulvérisent du glyphosate sur leur blé déjà mûr afin que des mauvaises herbes telles le ray-grass n'arrivent pas à maturité et ne fassent pas de graines. Mais, ces pulvérisations tardives sur les cultures contaminent les grains.
Mais pourquoi le problème du glyphosate est lié à la culture OGM ? Actuellement les agriculteurs étrangers utilisant des OGM intégrant le gène de résistance à l'herbicide glyphosate rencontrent de graves problèmes. A force de toujours utiliser la même molécule chimique, des mauvaises herbes résistant sont apparues. Il s'agit du même problème posé en santé humaine avec l'utilisation abusive d'anti-biotiques. Aussi, les agriculteurs étrangers (USA, Argentine, Brésil, Australie) utilisant du glyphosate ont été obligés de doubler ou tripler les doses et de passer plusieurs fois là ou un seul passage de pulvérisateur était nécessaire. De ce fait, ces cultures contiennent un fort taux de résidus de glyphosate. Les populations vivant à proximité de ces exploitations ont également pu être contaminées. Et l'Algérie ? Les autorités en charge de l'agriculture n'autorisent pas l'emploi d'OGM et donc ce problème ne se pose pas. Concernant le glyphosate, en Algérie, le danger vient plus des produits agricoles importés que des produits locaux. En effet, en Algérie, les OGM) sont interdits. Or, ce sont certaines cultures OGM qui contiennent le plus de résidus de glyphosate. Par ailleurs, certaines pratiques agricoles contestables n'existent pas localement. Il y a par contre plus grave, c'est l'importation de semences potagères hollandaises qui nous font perdre nos semences anciennes. Mais, cela est un autre sujet.
Qu'en est-il des pratiques à adopter pour augmenter le rendement ? En Algérie, l'urgence en culture de céréales, fourrages et légumes secs, est d'abandonner le labour (une technique ou façon culturale de travail du sol, ndlr). Cette pratique provoque de l'érosion, consomme trop de carburant et ralentit les chantiers de semis. Mais, abandonner le labour et semer directement implique, dans certains cas d'utiliser des herbicides, et notamment du glyphosate avant de semer. Les doses à utiliser seraient faibles. Elles sont sans aucune mesure avec celles utilisées sur culture OGM. Par ailleurs, en arboriculture, le glyphosate permet un désherbage efficace au pied des arbres fruitiers.
Sinon y aurait-il une possibilité d'éradiquer les plantes indésirables autrement qu'avec l'herbicide glyphosate ? En Algérie, dans un pays avec un fort déficit hydrique, lutter contre les mauvaises herbes constitue une priorité. En effet, celles-ci concurrencent fortement les cultures au niveau de l'eau. Si les herbicides constituent une voie efficace, le désherbage mécanique est intéressant. Mais, parfois il peut être remplacé par des binages. Et cela concernant toutes les cultures. De nouveaux engins telles les herses étrilles et les houes rotatives permettent de « peigner » les cultures et d'arracher les mauvaises herbes à un stade jeune. Il est regrettable que de tels engins ne soient pas utilisés en Algérie. Ces engins sont simples à construire. Alors que peu de fellahs disposent de pulvérisateurs, les entreprises de matériel agricole devraient proposer en remplacement de tels engins plus écologiques d'emploi. On peut également désherber avant semis avec un outil à dents à "pattes d'oie" dont les lames scalpent le sol à 2 cm de profondeur. Mais tous ces outils n'existent pas chez nous. Autre idée australienne, le "Chaff car", une remorque attachée à la moissonneuses-batteuses pour récolter les graines de mauvaises herbes puis les détruire. En somme, pour réduire l'emploi du glyphosate on peut jouer sur les rotations culturales et la "récolte des mauvaises herbes" ou Harvest Weeds Seed Control. Pour le blé par exemple, il faut faire un fourrage qui, en cas de récolte tôt, élimine les mauvaises herbes. Lire également sur "Liberté" : Le glyphosate est largement utilisé dans les cultures maraîchères en Algérie et : Le glyphosate et ses "dangers" Imène AMOKRANE @ImeneAmokrane