L'ex-wali d'Oran a encore fait hier d'autres révélations lors du deuxième jour de son audition, aidé en cela par l'attitude de Mme Benyoucef, présidente du tribunal criminel, qui malgré l'opposition du parquet général, a permis à tous les accusés de s'exprimer. “M. Frik est là comme accusé et il a le droit de se défendre comme il veut”, a-t-elle déclaré. Elle a, dans ce sens, invité les accusés à donner les noms et les fonctions des personnes visées. C'est ainsi que Bachir Frik s'est écrié : “m'est-il interdit d'acheter un lot de terrain et un local commercial ? Est-il interdit que mon gendre ait un local commercial alors qu'à Moretti un décret a permis de transformer les villas en résidences non touristiques pour être cédées au dinar symbolique ?” Il a ajouté : “lorsque j'étais en poste à Oran, les autorités militaires m'avaient demandé de leur transférer un stade de football qui existait depuis l'époque coloniale, pour y réaliser une coopérative immobilière. Bien entendu j'ai refusé mais après mon départ, ce terrain a été pris et l'ex-chef de sûreté de wilaya a eu droit à un logement. Pourquoi personne n'a pas fait une enquête à ce sujet ?” Il a réfuté la thèse selon laquelle sa femme a vendu le local commercial en réalisant de gros intérêts. “Ma femme a acheté un local au centre-ville car sa mère a vendu un héritage et elle lui a donné sa part”, a-t-il dit. Pour étayer ses déclarations, il a déclaré : “J'ai récupéré 5 villas de haut standing dont l'une était occupée par l'ex-président de la cour d'Oran. Si je voulais, j'aurais pris une villa non un terrain à bâtir.” Il se demandera même, pourquoi cet acharnement contre lui ; alors qu'il n'avait qu'appliquer la loi à la lettre, “le droit que me conférait la loi, à savoir disposer de 10% des réalisations et de les distribuer. Cette faveur n'a été abrogée qu'en 1998”, a-t-il expliqué. Revenant sur le local qu'il avait attribué au frère de son gendre, il a affirmé : “c'est un jeune algérien qui a créé une activité dans le cadre de l'emploi des jeunes et il a eu même droit à l'exonération de la TVA.” Il a révélé aussi que c'est lui qui a ramené de Jijel M. Makhloufi pour le nommer directeur de l'OPGI. “Je lui ai attribué l'appartement qui était occupé auparavant par le consulat d'Italie. Il mérite un logement pour y loger avec sa famille, alors qu'il dormait dans un hôtel durant une année”, dit-il encore. Il estimera encore : “je persiste et signe que cette machination était destinée à cacher l'affaire de la drogue qui avait été révélée en mai 2001. En juin 2001, les centres d'intérêt d'Oran avaient fait un véritable ratissage pour ne trouver que ces 5 logements que j'ai attribués.” Le procureur général excédé par les tournures qu'a pris le procès est intervenu à plusieurs reprises pour poser des questions relatives aux seules charges retenues contre les accusés. Il a ainsi interrogé l'accusé sur le local attribué à l'épouse du wali. “Ce logement a été vendu par une tierce personne chargée de cette transaction par votre gendre ?” L'ex-wali a rappelé que le local n'était pas la propriété de son épouse qui n'était que locataire auprès de l'OPGI. “Celui qui a occupé les lieux après mon épouse n'a payé que 50 millions de centimes qui représentent les frais des travaux que nous avions réalisés”, répond l'accusé. Il insistera sur le caractère spécifique de l'OPGI qui ne gère pas l'immobilier destiné au “social”. Il dira par ailleurs : “le local de ma femme était situé dans le quartier de l'Usto. Avec son propre argent, elle a acquis un local plus grand au centre-ville, et ce, auprès d'un privé, pour la somme de 450 millions de centimes. Ma femme a réalisé cette transaction en 1998 et avec l'argent provenant d'un héritage.” Interrogé par le procureur général sur les nombreux cas de spéculation constatés, le wali répondra : “Je signe les arrêtés selon des dossiers qui me sont remis. J'ignore ce que font les bénéficiaires des logements et des biens dont ils ont bénéficié”. C'est à 15h45 que l'audience du wali a pris fin. Les premiers témoins appelés à la barre n'ont rien apporté de nouveau. Un ex-employé de l'agence foncière révélera tout de même que le directeur par intérim avait signé une décision d'achat au profit de Boudina Saadi qui avait bénéficié d'une affectation d'un terrain par l'APC en 1988. “Le directeur par intérim avait signé car le bénéficiaire avait gagné son procès contre l'agence foncière”, tient-il à préciser. Cette réponse a été du goût de tous les avocats de la défense, car une telle décision de justice vient à point nommé pour rappeler le respect de la loi par les accusés. S. I.