Ceux qui ont battu le pavé à Béjaïa savent ce que coûte le blocage d'un projet industriel pouvant permettre la création de quelque 1 000 emplois directs. Ils connaissent aussi le rôle joué par le DG de l'EPB dans ce blocage. La marche organisée avant-hier à Béjaïa par le comité de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements dans la région a été sans conteste un franc succès. Un succès, d'abord, parce qu'elle a drainé une foule des grands jours, démentant ainsi les pronostics des observateurs sceptiques qui pensaient que les citoyens n'allaient pas se mobiliser sur le thème de la liberté d'entreprendre et la levée des blocages devant les projets d'investissement. Un succès, ensuite, parce que la manifestation s'est déroulée dans une ambiance bon enfant, n'enregistrant aucun incident, alors même que du côté de la direction de l'Entreprise portuaire de Béjaïa (EPB), il y a une tentation avérée et permanente d'impliquer le personnel, via un syndicat-maison, dans une sorte de "contre-offensive" qui n'aurait pas été sans risque. Un succès, enfin, parce que la réussite même de cette marche a mis le DG du port dans une position plus que jamais inconfortable en le contraignant à la défensive, lui qui se targuait d'agir "au nom de la loi". Car lorsqu'on agit dans la légalité, qui plus est pour la défense de l'intérêt général, l'on n'a strictement pas besoin de recourir au faux-fuyants, encore moins au mensonge. Or, c'est ce que vient de faire M. Djelloul Achour. Contacté par l'APS suite à la marche d'avant-hier et aux revendications exprimées par les manifestants, le DG du port a commencé par se dire "perplexe" face à ce qu'il considère comme un "acharnement" contre sa personne. Si tout acte malveillant a nécessairement un mobile, M. Djelloul Achour n'a pas cru devoir expliquer les tenants et aboutissants de cet "acharnement" supposé dont il se plaint. Faudra-t-il alors le croire sur parole ? Mais pourquoi donc des milliers de citoyens dénonceraient, dans une manifestation publique, un directeur d'entreprise publique qui n'aurait rien à se reprocher ? Ceux qui ont battu le pavé à Béjaïa, et dont beaucoup étaient venus de loin, savent ce que coûte, pour la région et ses habitants et, au-delà, pour tout le pays, le blocage d'un projet industriel pouvant permettre la création de quelque 1 000 emplois directs. Ils connaissent aussi le rôle joué par le DG de l'EPB dans ce blocage, même s'ils ont la conviction qu'il n'est que l'instrument et l'exécutant direct d'un sabotage économique dicté d'ailleurs. Ce qui, au fond, est plutôt de nature à aggraver son cas. Le DG de l'EPB, quant à lui, a fait preuve d'un acharnement vrai et avéré contre Cevital lorsqu'il est allé jusqu'à réexpédier des équipements importés à coup de devises et dûment dédouanés. Pour autant, et au risque de s'enfoncer dans ses propres contradictions, il ne s'arrête pas à cette tentative de se présenter en "victime". Après avoir longtemps tenté de s'expliquer, en vain, en invoquant des textes de loi dont l'objet est absolument sans lien avec l'affaire en question, il essaie désormais une nouvelle parade : "Il n'y a plus de place dans l'enceinte du port qui souffre déjà d'exiguïté", dit-il. Comprendre que l'usine de trituration de graines oléagineuses projetée ne peut être installée dans l'enceinte du port. Soit. Insidieusement, il laisse entendre, ainsi, que Cevital envisage d'implanter cette usine dans le domaine portuaire. Il sait pourtant, comme les autorités locales et comme tout le monde, que le groupe a déjà acquis, auprès d'un privé, le terrain destiné à accueillir ce projet et que l'importance économique de celui-ci est officiellement reconnue puisqu'il a bénéficié des avantages fiscaux accordés par l'Agence nationale pour le développement de l'investissement (Andi). Décidément, il n'y a que les bavardages de M. Djelloul pour suppléer au silence du gouvernement. On le voit, le rôle dévolu au DG du port est doublement ingrat : il doit se mouiller tous les jours dans l'exécution d'une besogne peu honorable et il doit lui-même s'en expliquer. Seul. Pendant ce temps, le gouvernement, lui, garde le silence, sans doute parce qu'un tel sabotage ne peut être assumé publiquement que par la petite soldatesque locale. Saïd Chekri