Connue depuis longtemps pour son activité légendaire dans la poterie traditionnelle, la localité de Mâatkas est aujourd'hui exposée à une grave menace de disparition de cet art ancestral, pourtant jalousement préservé par les potières de la région. "Autrefois, il n'y avait pratiquement aucune famille ni aucun foyer qui ne possédait pas sa propre production de poterie et ce dans tous les villages de Mâatkas. Tous les objets et ustensiles utilisés par les ménages étaient fabriqués par leurs propres membres et on en produisait même un peu plus pour subvenir à d'autres besoins destinés à la vente. De nos jours, il ne subsiste qu'une dizaine de potières et de potiers sur toute l'étendue de la daïra", nous dira l'un des rares artisans encore en activité, pour illustrer l'énorme manque d'engouement affiché par les générations actuelles à l'activité de la poterie traditionnelle, intimement liée, pourtant, à leurs us, leur culture et leur histoire. À travers les âges, la forte tendance à valoriser cette activité pour mettre en relief la beauté et la pureté des objets de la terre cuite, œuvre savante des mains magiques des potières du douar, a fait de Mâatkas un carrefour culturel et touristique d'une double dimension nationale et internationale. Des visiteurs et des touristes, aussi bien nationaux qu'étrangers, affluaient tout au long de l'année pour découvrir la beauté et la magie de la poterie traditionnelle locale mais aussi pour acquérir quelques "merveilles", les uns pour leur usage ménager, les autres à des fins de décoration très appréciée dans les demeures. La symbolique et la signification des signes, que les femmes dessinaient sur les objets de poterie, leur servaient de moyen de communication pour exprimer leurs joies et leurs angoisses, et ont inspiré de nombreux chercheurs dans leurs études et thèses universitaires, puisque des travaux ont été menés pour tenter de percer les secrets de la société kabyle à travers la poterie kabyle, notamment du côté féminin. Pour préserver et promouvoir cet art, la fête de la poterie a été lancée en 1989 par l'association Thaneflit, en collaboration avec la maison de jeunes de Souk El-Khemis, puis en 2010, cette dernière fut érigée en festival par le ministère de la culture. L'objectif recherché, au-delà de l'aspect culturel, résidait dans les retombées économiques sur la région. Mais force est de constater que cette visée n'a pas été atteinte, et le commun des mortels s'interroge alors à quoi ont servi les dix-sept éditions passées de la Fête de la poterie. "Les produits fabriqués reviennent cher et ne s'écoulent pas facilement sur le marché. Cela ne fait plus vivre les familles, surtout que la céramique a pris la place de la poterie traditionnelle", soutient un ancien artisan. C'est dire que l'annulation de la 8e édition du festival local de la poterie prévue cette année risque de jeter cet art ancestral dans l'oubli, même s'il se dit, ici et là, que cet événement tant attendu a été reporté à la fin de décembre. Attendons donc pour voir ! R. Achour