Fort de ses différents moyens de coercition, l'Etat veut, semble-t-il, "domestiquer", mieux que jamais, les médias privés. Parmi les pressions exercées figure le pouvoir discrétionnaire que s'arroge l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep), et ce, dans une totale opacité. L'opacité dans la distribution de ce qui s'apparente à une véritable rente, qualifiée également de "prime à la médiocrité" est mise en avant pour dénoncer précisément la volonté du pouvoir à régenter le secteur de la communication. À tout seigneur, tout honneur, il faut souligner que jusqu'à présent, l'apport le plus notable à l'édifice institutionnel dans ce domaine précis reste, sans conteste, la loi sur la publicité dite "loi Rahabi", du nom de l'ancien ministre de la Communication et de la Culture, porte-parole du gouvernement et non moins diplomate. Cette tentative qui fera date sera, néanmoins, avortée sans aucune autre forme de procès. Le texte de loi prévoyait notamment dans ses différentes dispositions la levée du monopole de l'Etat exercé à travers l'Anep, considérée, aujourd'hui, comme un instrument de chantage politique. Pour rappel, cette loi, première du genre, avait été adoptée en première lecture en juin 1999 par l'Assemblée populaire nationale avant d'être ensuite bloquée au Conseil de la nation, sur instruction du président de la République. Aussi, en l'absence d'un cadre légal ou d'une quelconque autorité indépendante en charge de définir des règles opposables à tous les médias sans exception, le marché publicitaire étatique restera soumis au seul désiderata du pouvoir qui pourvoira alors uniquement au support dont la ligne éditoriale lui est inféodée. Inutile de préciser que les injonctions se multiplieront dès lors, par la suite, pour "donner" ou "enlever" ce qui tient lieu de ressources financières, sonnantes et trébuchantes. Peu importent, par ailleurs, l'audience réelle du support en question ou les motivations exactes de l'annonceur, le but étant seulement d'"enrichir" ou alors d'"appauvrir" les différents titres dont la pléthore se fera soudainement remarquable. La situation se compliquera, en effet, davantage avec l'ouverture de nombreux nouveaux supports, la plupart, zélés et flagorneurs à l'endroit du pouvoir. Ce qui était destiné à donner l'illusion, à l'extérieur, d'une certaine liberté de la presse en Algérie, a seulement servi, à l'intérieur, à alimenter diverses clientèles dont certaines sont tout à fait étrangères au monde de la presse. Enfin, l'Algérie qui venait d'épouser l'économie de marché et son corollaire la liberté d'entreprendre s'est crue exempte, jusqu'à présent, de se soumettre aux obligations de transparence et aux règles de commercialité qu'implique une telle option. Entre-temps, la crise financière due à la chute drastique des cours du pétrole, surviendra pour tarir davantage ce qui restait de la manne publicitaire étatique et même privée, qui se rétrécit, aujourd'hui, comme chacun sait, comme une peau de chagrin. Mohamed-Chérif Lachichi