L'analyse du comportement de ces ouvrages face au tremblement de terre doit relever de la sécurité nationale. L'Etat perd des sommes énormes du fait de mauvaises études. La réalisation des ouvrages d'art (ponts, routes et autoroutes, châteaux d'eau, trémies, viaducs…) sans référentiels de calcul sismique qui renseigneront les concepteurs et les réalisateurs sur leur comportement face à un séisme constitue un danger permanent dans les villes. Pourtant, les experts très au fait dans ce domaine ne cessent de tirer la sonnette d'alarme quant à la fiabilité de ces ouvrages lors d'un tremblement de terre. Ce souci semble ne pas être partagé par les pouvoirs publics. Preuve en est, aucune décision n'a été prise dans ce sens. Pis, le ministère concerné, déplore une source, a installé une commission qui se chargera d'étudier la vulnérabilité de ces infrastructures. Or, dans ce groupe de travail n'existe, estime la même source, aucun expert doté d'une expérience dans le domaine. La démarche du ministère demeure, selon lui, de ce fait inadéquate et s'avérera à coup sûr inefficace. Les spécialistes constatent qu'il n'y a pas de modèles de calage (comparaison scientifique des résultats de calcul) dans les zones sismiques. “Tout doit se faire d'une manière théorique et précise afin de déterminer le comportement réel de l'ouvrage secoué par un séisme”, soulignera le professeur Chelghoum Abdelkrim, chercheur en génie parasismique. La construction de routes et d'autoroutes nécessite un profil préalablement élaboré et une couche de base dimensionnée par le biais d'une procédure adéquate, fondée sur une connaissance précise des mouvements dynamiques des couches du sol en place. D'où l'impérative étude au cas par cas de chaque ouvrage et du site devant le recevoir. C'est ainsi qu'à l'entrée de la wilaya de Bouira, il a été constaté un impact très important causé par le manque flagrant d'étude sérieuse et complète de la stabilité dynamique des talus au niveau de l'autoroute Est-Ouest, plus précisément dans la commune de Djebahia, à 4 kilomètres de Bouira. Le confortement et le rétablissement de la stabilité de cette partie du terrain nécessiteront, estime le Pr Chelghoum, une enveloppe de plus de 200 milliards de centimes. Une perte de 200 milliards de centimes pour le Trésor Cette dépense supplémentaire aurait pu être évitée si une étude dynamique complète de ces terrains avait été développée avant la projection de l'ouvrage (autoroute). En effet, le montant de cette étude préalable n'aurait pas dépassé la somme de 2 millions de dinars. Encore une perte de plus pour le Trésor public ! Pis, l'accident en question a eu lieu sans qu'il soit provoqué ou/et favorisé par une quelconque secousse tellurique ! Le viaduc mitoyen pourrait-il résister à un prochain séisme de l'ordre de 7 sur l'échelle de Richter ? La question reste posée d'autant plus qu'aucun référentiel de calage n'a été publié jusque-là. Le même problème de glissement et autres a été malheureusement, relevé à Skikda, Constantine et à Oran. Une telle situation indique clairement que ces ouvrages stratégiques ont été conçus et réalisés dans la précipitation. Pour illustrer le souci et la conscience exprimés par les concepteurs dans la réalisation d'un viaduc, il est impératif de citer un exemple parmi tant d'autres. L'étude technique du viaduc de Millau, une zone pourtant non sismique près de Montpellier en France, a duré 13 longues années. Cet ouvrage a été achevé en 36 mois. Il s'agit de celui qui a été inauguré récemment par le président Chirac, le plus beau que la France n'ait jamais réalisé depuis 2 siècles. Ce qui prouve l'importance capitale de l'élaboration d'un dossier d'étude complet et fin prêt, traitant tous les aspects pouvant nuire à la stabilité et la résistance d'un ouvrage dans des conditions les plus extrêmes. Le problème se pose d'une façon plus aiguë car les secousses telluriques qui continuent de secouer le nord de l'Algérie participent, il ne faut pas l'oublier, à la fragilisation du bâti. “Les études de vulnérabilité des ouvrages et du bâti doivent relever de la sécurité nationale”, insistera le PrChelghoum. Outre les 3 000 morts, le séisme du 21 mai 2001 a coûté plus de 10 milliards de dinars à l'Algérie en 30 secondes… B. K.