Liberté : Comment appréciez-vous la hausse du prix du pain par les boulangers ? Mustapha Zebdi : L'association des consommateurs Apoce condamne vivement cette hausse du prix du pain (prix de la baguette porté à 15 dinars) qu'elle juge illégale et non réglementaire. D'abord, il n'y a pas un accord entre le ministère du Commerce et les boulangers pour augmenter le prix du pain. Ensuite, le prix du pain est réglementé. La hausse du prix du pain doit être fixée par un décret exécutif. Enfin, le prix de 15 DA pour une baguette est un prix élevé pour le pouvoir d'achat de la majorité des Algériens. C'est une hausse que l'Apoce n'approuvera jamais. Un simple calcul — on produit 50 millions de baguettes de pain — une famille consomme en moyenne 6 à 7 baguettes par jour, une augmentation de 5 dinars par baguette lui revient 1 000 dinars par mois, soit environ 6% du SNMG, le salaire minimum mensuel. Du coup, nous refusons que le prix du pain soit revu à la hausse. Il ne faut pas oublier que le pain est un aliment essentiel dans la nourriture de la majorité des Algériens. Cela dit, il faut savoir qu'il y a eu des grèves des boulangers dans certaines wilayas. Il y a eu une grève des boulangers à Oran et à Tipasa. Il y a quelques jours, il y a eu une grève des boulangers à Tindouf. Ces boulangers ont fait grève pour des revendications professionnelles. Ils demandent que le prix du pain soit augmenté parce que le prix de revient de ce produit a augmenté. Ils demandent que le prix de la farine qui leur est vendue le soit au prix réglementé (ils achètent la farine à des prix supérieurs). Pour l'Apoce, ce sont des revendications légitimes, légales qu'elle soutient. C'est une demande d'augmentation de la marge bénéficiaire des boulangers qui remonte à plusieurs années. L'Apoce a demandé que le texte exécutif sur le prix du pain soit révisé. Nous avons demandé au ministère concerné d'ouvrir le dossier du pain et de le régler de manière définitive. Mais augmenter la marge bénéficiaire du boulanger ne veut pas dire augmenter le prix du pain. Il y a d'autres alternatives. Nous avons proposé l'utilisation de la farine complète. L'utilisation de cette farine noire va augmenter de 20 kilogrammes la quantité de 100 kilogrammes de pain obtenue auparavant par la farine blanche. Il y aura un gain de 20% supplémentaire pour le boulanger, ce qui va permettre à cette qualité de farine subventionnée de ne pas être utilisée par l'industrie agroalimentaire. Le boulanger pourra également utiliser une farine mixte (farine blanche et noire) qui ne peut pas être également utilisée par l'industrie agroalimentaire. La dernière alternative est de baisser les charges des boulangers. Faut-il réviser le texte exécutif qui fixe le prix du pain ? Le prix du pain ordinaire est fixé par le texte executif à 7,50 dinars la baguette, celui du pain amélioré est à 8,50 dinars. Les boulangers, pour la plupart, vendent le pain amélioré à 10 dinars. Le pain ordinaire n'est plus commercialisé sauf dans les boulangeries traditionnelles. Un cas marginal. Certains boulangers profitent de la situation. Ils vendent un pain spécial à 20 dinars, en diminuant le poids de la baguette à 100-150 grammes (en principe à 250 grammes) en ajoutant quelques ingrédients, des olives par exemple. Et personne ne peut intervenir. Comment lutter contre le grand gaspillage du pain ? Il ne faut pas sanctionner toute une population en augmentant le prix du pain. Le pain est un produit subventionné. Il faut sanctionner ceux qui le gaspillent en instituant des amendes. Entretien réalisé par : K. Remouche