Il fait trembler le gouvernement turc : Reza Zarrab, témoin vedette d'un procès new-yorkais sur le contournement des sanctions économiques contre l'Iran, a impliqué cette semaine un ex-ministre et le président Recep Tayyip Erdogan, un cauchemar pour Ankara. M. Zarrab, un homme d'affaires turco-iranien de 34 ans, arrêté en mars 2016 lors d'un voyage familial à Miami, a d'abord révélé au tribunal fédéral de Manhattan avoir versé, entre mars 2012 et mars 2013, plus de 50 millions d'euros de pots-de-vin à l'ex-ministre turc de l'Economie, Zafer Caglayan. Cela lui a permis de s'imposer comme l'intermédiaire-clé d'un complexe mais juteux trafic régional qui permettaient à l'Iran, via la banque publique turque Halkbank, d'injecter dans le circuit bancaire international des milliards d'euros de recettes d'hydrocarbures, malgré les sanctions américaines interdisant de commercer avec Téhéran. Reza Zarrab, qui a récemment plaidé coupable à sept chefs d'accusation et est désormais détenu dans un lieu secret protégé par le FBI, a ensuite impliqué M. Erdogan. Devant des dizaines de journalistes turcs, M. Zarrab a affirmé que M. Erdogan, alors Premier ministre, avait donné des "instructions" pour que deux autres banques publiques participent au trafic. Il impliquait ainsi que M. Erdogan savait tout du contournement des sanctions, même si le président turc assure n'avoir rien à se reprocher. D'où ce jeune homme d'affaires — il a 28 ans lorsqu'il monte ce trafic début 2012 — tenait-il son entregent ? Au fil de trois jours de déposition, conversations téléphoniques et courriers électroniques à l'appui, Reza Zarrab, surnommé "M. Riza", s'est présenté comme la clé d'un vaste réseau de sociétés iraniennes, turques et émiraties, monté grâce à ses contacts dans les gouvernements turc et iranien et son sens du commerce. L'idée d'aider Téhéran à contourner les sanctions américaines viendra d'un bijoutier turc, qui avait commencé à convertir l'argent iranien en or et le revendait ensuite contre des devises, permettant ainsi de dissimuler l'origine iranienne des fonds. Pour s'imposer dans ce commerce, Reza Zarrab fait jouer ses relations. Il écrit une lettre au président iranien d'alors, Mahmoud Ahmadinejad. Son commerce de contournement des sanctions décolle vraiment en 2012, lorsqu'il fait affaire avec les banques iraniennes Sarmayeh et turque Halkbank, aidé par le ministre Caglayan moyennant pots-de-vin. R. I./Agences