Pour le chef de l'Etat, faut-il le rappeler, cette décision a pour objectif de "conforter l'unité nationale". C'est dans cette optique qu'est donc retenu le slogan : "Je suis Algérien, je suis fier de mon amazighité." Demain, 1er Yennayer 2968, jour de l'an amazigh, correspondant au 12 janvier, marquera, incontestablement, un tournant dans l'histoire de l'Algérie indépendante. Longtemps reléguée à une fête plutôt clandestine, elle sera cette année, pour la première fois, célébrée de manière officielle en tant que fête nationale. Couronnement du long combat des militants de la cause amazighe, Yennayer est désormais consacré "Journée nationale, chômée et payée". La revendication remonte, en effet, aux balbutiements du mouvement berbère, mais elle s'exprimera avec plus de force après le Printemps berbère de 1980, pour finir par figurer dans la plateforme des revendications du mouvement de 2001 et 2002, dit "Printemps noir". Une requête que le pouvoir a ignorée depuis l'indépendance, y compris après avoir décidé, en 2002, d'intégrer tamazight dans la Constitution comme langue nationale, avant de la hisser, lors de la révision constitutionnelle de 2016, au rang de langue officielle. Il a fallu attendre la fin 2017 pour que Bouteflika décide, enfin, la consécration de Yennayer comme "journée chômée et payée" et donc, implicitement, comme Fête nationale. Ce n'est qu'hier, en effet, que le gouvernement a endossé un amendement à la loi fixant la liste des fêtes légales qui inclura ainsi le jour de l'an amazigh. La décision du chef de l'Etat, prise lors du dernier Conseil des ministres tenu le 27 décembre 2017, est intervenue dans la foulée de la résurgence de la revendication amazighe, provoquée alors par le rejet, par la majorité parlementaire, d'un amendement portant sur la généralisation de l'enseignement de la langue amazighe proposé par une députée du Parti des travailleurs (PT). En effet, la protestation s'est vite propagée à travers quasiment toutes les régions berbérophones, notamment en Kabylie et dans les Aurès. Des observateurs estiment, par ailleurs, que la consécration de Yennayer serait liée à l'émergence, en Kabylie, de mouvements radicaux allant jusqu'à appeler à "l'indépendance de la Kabylie". L'entêtement du pouvoir à s'opposer, voire à combattre une revendication aussi démocratique que légitime, a eu pour effet de radicaliser beaucoup de défenseurs de la cause amazighe dans une région toujours en quête de perspectives politico-économiques. Par ailleurs, des observateurs estiment qu'à une année de la Présidentielle de 2019, la consécration de Yennayer ne peut être dissociée de cette échéance. Confronté à une crise économique qui menace de durer et à bien d'autres défis socio-politiques, le régime ne voudrait certainement pas s'encombrer à gérer la protestation identitaire qui risque de se radicaliser, non seulement en Kabylie mais aussi dans d'autres régions du pays. Le communiqué du Conseil des ministres indiquait que la consécration de Yennayer était décidée dans un contexte marqué par "des défis multiples internes et régionaux". Pour le chef de l'Etat, faut-il le rappeler, cette décision a pour objectif de "conforter l'unité nationale". "Cette mesure, comme toutes celles déjà prises au profit de notre identité nationale dans sa triple composante islamique, arabe et amazighe, confortera l'unité et la stabilité nationales, alors que des défis multiples internes et régionaux nous interpellent", a-t-il expliqué lors du Conseil des ministres du 27 décembre. C'est ainsi que les autorités s'impliquent à présent fortement pour la promotion de Yennayer et du fait amazigh au sein de la société, quitte à déconstruire le bon vieux discours officiel opposé à la revendication. C'est dans cette optique qu'est donc retenu le slogan : "Je suis Algérien, je suis fier de mon amazighité." Pourvu que ce ne soit pas seulement un slogan. Car l'officialisation de Yennayer ne peut que réconcilier les Algériens avec leur histoire authentique. Assegwas Ameggaz ! Farid Abdeladim