Le chef de l'Etat a enjoint au gouvernement de ne ménager aucun effort pour la généralisation de l'enseignement et de l'usage de tamazight, conformément à la lettre et à l'esprit de la Constitution. C'est incontestablement une nouvelle victoire qui vient couronner le long combat des militants pour la promotion de la langue et de la culture amazighes : Yennayer est désormais consacré officiellement comme une fête chômée et payée. Cette décision a été annoncée hier par le président de la République au cours du Conseil des ministres, le dernier de l'année en cours. "(...) en présentant ses meilleurs vœux au peuple algérien à la veille de l'année 2018, le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé sa décision de consacrer Yennayer journée chômée et payée dès le 12 janvier prochain, le gouvernement étant chargé de prendre les dispositions appropriées à cet effet", a indiqué le communiqué du Conseil des ministres. "Cette mesure, comme toutes celles déjà prises au profit de notre identité nationale dans sa triple composante islamique, arabe et amazighe, confortera l'unité et la stabilité nationales, alors que des défis multiples internes et régionaux nous interpellent", a expliqué le chef de l'Etat. Réclamée depuis de nombreuses années, particulièrement depuis "le printemps noir", la consécration de la fête de Yennayer qui coïncide avec le premier jour du calendrier agraire, célébrée aux quatre coins du pays depuis l'antiquité, intervient dans un contexte marqué par une résurgence de la revendication amazighe au milieu d'incertitudes politiques et de crise économique. De nombreuses manifestations ont eu lieu, en effet, ces dernières semaines, notamment en Kabylie, mobilisant des milliers de personnes, particulièrement des jeunes, dans la foulée du rejet par une commission de l'Assemblée nationale d'un amendement introduit par le Parti des travailleurs (PT), portant sur la nécessité de la généralisation de la langue amazighe. Mais ce n'est probablement pas la revendication de la généralisation de tamazight, consacrée déjà dans la Constitution, même si son officialisation en 2016 prête à équivoque, qui semble avoir suscité cette décision sur Yennayer autant que l'émergence en Kabylie, du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) qui, selon certains observateurs, inquiète de plus en plus les autorités. Un mouvement qui semble s'étoffer, faute de perspectives politico-économiques pour certains. D'ailleurs, ce n'est pas sans raison que le communiqué du Conseil des ministres évoque "les défis internes et externes qui nous interpellent". Et comme pour apporter une réponse aux dernières manifestations, le texte du Conseil des ministres rapporte que le chef de l'Etat "a enjoint au gouvernement de ne ménager aucun effort pour la généralisation de l'enseignement et de l'usage de tamazight, conformément à la lettre et à l'esprit de la Constitution". Le président de la République a également "chargé le gouvernement d'accélérer la préparation du projet de loi organique portant création d'une Académie algérienne de la langue amazighe", ajoute le texte. Reste que ces annonces qui se déclinent comme des mesures d'apaisement ne doivent pas être déconnectées du rendez-vous de la Présidentielle. À une année de l'élection présidentielle, le pouvoir déjà confronté à plusieurs défis, ne veut sans doute pas s'encombrer de mouvements qui viendraient à grenouiller la machine... Karim Kebir