Dans sa dernière contribution - Novembre 2017 -, le Collectif Nabni a proposé un plan d'action comportant 10 propositions à lancer en urgence pour amortir le choc contre l'iceberg. Ce plan appelle à démarrer les réformes de fond dès 2018, en visant les problèmes structurels de notre économie. Il s'agit de (1) parer au plus urgent et résoudre l'équation budgétaire ; (2) de démarrer immédiatement les réformes de fond et (3) de préparer l'avenir dès aujourd'hui en engageant des réformes de plus longue haleine. Dans cette deuxième contribution, nous revenons sur le chantier n°2 : déprécier le dinar et mettre fin aux licences d'importation. Depuis la dernière publication de Nabni, le gouvernement a mis fin aux licences d'importation. Les conditions de mise en œuvre de cette décision nous rappellent que les termes de l'équation du commerce extérieur restent malheureusement les mêmes. Déprécier le dinar Le meilleur moyen de réduire les importations est de dévaluer le dinar, car un dinar maintenu artificiellement fort est purement et simplement une subvention aux importations. Le cours du dinar doit suivre celui de notre exportation principale, c'est-à-dire les hydrocarbures. Aller à l'encontre de ce principe nous fait vivre au-dessus de nos moyens et nous fait courir à notre perte en épuisant rapidement nos réserves de devises. Le glissement progressif et régulier qui avait été entamé à l'été 2014 puis interrompu deux ans plus tard doit être repris et maintenu. La Banque d'Algérie doit continuer dans cette direction pour progressivement arriver à une valeur d'équilibre qui corresponde à la nouvelle situation du prix du baril. L'écart entre le cours officiel et le cours parallèle du dinar témoigne de l'incongruité de la politique de taux de change. Par ailleurs, en sus de doper les importations, un dinar surévalué par rapport aux taux du marché parallèle incite à la fraude et au trafic. Poursuivre une telle politique de change n'est pas de nature à assainir l'environnement des affaires. La dévaluation est la solution la plus naturelle et la plus "neutre" (sans distorsion de prix) pour réduire les importations. En augmentant le prix des importations, exprimées en dinars, la dévaluation va naturellement réduire la demande de produits importés (en dehors des importations incompressibles) et opérer un tri naturel entre produits nécessaires, superflus ou de luxe, sans que le gouvernement ait à définir ces catégories pour le compte des consommateurs. Par ailleurs, l'effet bénéfique d'une dévaluation, à moyen terme, est de rendre les produits algériens plus compétitifs et plus naturellement substituables aux importations. Cela peut stimuler nos exportations, si par ailleurs les politiques économiques adéquates sont mises en place (amélioration du climat des affaires, amélioration de la logistique et promotion des exportations). Cependant, en parallèle de ces effets positifs, la dévaluation affecte négativement le pouvoir d'achat des Algériens, notamment les couches sociales les plus défavorisées. D'où l'urgence de lancer un programme ambitieux de transferts sociaux (cf. chantier n°4 du plan d'urgence Nabni concernant la réforme des transferts sociaux). Dépasser les pièges de la gestion administrative En attendant un bilan approfondi de l'épisode des licences d'importation, nous pouvons affirmer sans grands risques que notre économie et notre administration en sortent diminuées... Nous l'avions prédit : "Les licences d'importation sont contre-productives. Leur gestion pose des problèmes de gouvernance insolubles. Leurs critères de sélection et d'attribution sont opaques et arbitraires. Elles ont paralysé notre économie dans certains secteurs – l'automobile par exemple –, détruit des emplois dans les secteurs liés à l'importation. Elles vont à l'encontre des accords commerciaux et accords d'association que l'Algérie a signés (avec l'Union européenne), ce qui porte atteinte à la crédibilité et à la parole de l'Algérie au niveau international... Par ailleurs, la cascade d'annonces contradictoires et anxiogènes concernant les produits concernés et les critères d'attribution des licences ont décrédibilisé notre administration. Les interdictions d'importation de certains produits doivent ainsi être proscrites. Cela ajuste l'effet d'augmenter les fraudes en tous genre." Les dernières mesures de réorganisation des opérations d'importation nous rappellent malheureusement que les vraies questions restent en suspens. Le déséquilibre de notre balance commerciale n'est pas uniquement le résultat de notre facture d'importation mais aussi de la faiblesse de nos exportations et de leur dépendance quasi totale des hydrocarbures. Ainsi, protéger nos réserves de change requiert de diversifier notre économie et booster nos exportations (cf. chantier n°9 du plan d'urgence Nabni). Les licences d'importation ont mobilisé le gouvernement, en particulier le ministère du Commerce, depuis 2015. Une énergie colossale qui aurait pu être mise au service du développement de nos exportations. Pis, la politique des licences d'importation s'est accompagnée d'une "politique industrielle" qui vise l'agrément d'un ensemble de "champions" sélectionnés pour opérer des activités industrielles ! Soulevant ainsi de plus en plus d'inquiétude sur la gouvernance publique dans ce domaine (instabilité juridique, manque de transparence dans le choix des bénéficiaires...). Il en est de même pour le respect des engagements internationaux de l'Algérie, l'alignement des politiques publiques par rapport aux objectifs de commerce extérieur : IDE, promotion des exportations, politique de change... Autant de questions en attente de réponses. Le collectif NABNI