Si Bouteflika est déclaré vainqueur face à toute, sinon à une majorité de l'opposition réunie, son magistère sera plus que jamais légitimé. Le parti Jil Jadid de Soufiane Djilali vient de soumettre à débat une nouvelle idée relative à la transition démocratique autour de laquelle une grande partie de l'opposition s'était déjà regroupée dès 2014 sans toutefois parvenir à des résultats probants. La proposition en question se décline en un double consensus, électoral et autour d'un programme. Plus concrètement, Jil Jadid souhaite une candidature unique de l'opposition à l'élection présidentielle du printemps 2019, laquelle candidature, si elle recueille les suffrages, devra s'atteler à réunir, durant une période qui reste à définir, les conditions d'une véritable élection démocratique. L'initiative en elle-même est généreuse, tant est qu'elle véhicule l'idée de rupture avec le système en place à travers l'évacuation des avatars qui l'ont pérennisé jusqu'ici. Cependant, c'est au plan de la praticabilité que les choses peuvent s'avérer difficiles, et ceci pour une multitude de raisons. À commencer par l'ambiance générale qui prévaut au sein de l'opposition, laquelle ne prête pas à l'optimisme quant à une relance de l'effort solidaire, l'échec de la fameuse charte de Mazafran étant bel et bien consommé. Les deux entités, la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD) et l'Instance de concertation de de suivi de l'opposition (ICSO) qui ont travaillé à asseoir des synergies à même de bousculer l'ordre politique établi et à ouvrir de nouvelles perspectives à l'action de l'opposition se sont désagrégées sous le double effet des tiraillements entre leurs membres et des manœuvres orchestrées par les centres agissants du pouvoir. Un effritement tel qu'il n'a même pas été loisible aux partis de l'opposition, à l'exception de ceux activant sous l'étendard islamiste, de prétendre à des alliances électorales lors des dernières élections législatives et locales. Conséquence : la cartographie politique n'a pas varié grandement, voire pas du tout, tant est que les deux premiers de cordée sont demeurés les mêmes : le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND). La question qui se pose alors est de savoir si l'opposition est en mesure de transcender ses clivages et agir solidairement face à l'enjeu de la présidentielle de 2019. Dans l'absolu, ce n'est point impossible. Sauf qu'en politique, il y a toujours lieu de raisonner en tenant compte des aléas et autres contingences. Qui pour manager l'initiative ? En formulant l'idée d'une candidature commune à l'élection présidentielle, le parti Jil Jadid n'en a pas adjoint de canevas pratique. Or, en politique, l'idée ne peut pas se suffire à elle-même, encore moins dans le contexte de l'Algérie où le débat, s'il n'est pas bien encadré et balisé, risque fort d'être pollué. Soufiane Djilali aurait pu, puisque la proposition émane de son parti, se proposer pour manager l'initiative, car il faut bien que quelqu'un se charge d'organiser les consultations autour de la perspective. Peut-être n'a-t-il pas agi de la sorte pour éviter qu'il ne soit accusé de courir pour un leadership ou alors en raison des embrouilles qu'il a eues auparavant avec ses partenaires de la CLTD ? Des embrouilles qui peuvent d'ailleurs s'avérer de sérieux handicaps pour l'initiative, tant est qu'il faut du temps pour les dissiper et rebâtir la confiance entre les différents acteurs de la scène politique. Or, c'est le temps qui pourra manquer le plus pour une telle entreprise, l'élection présidentielle étant dans un peu d'une année. Une échéance courte au regard du travail qu'il faudra accomplir pour espérer parvenir à un consensus autour d'un candidat qui rivalisera avec le ou les candidats du système, l'alignement dans la course du président sortant, Abdelaziz Bouteflika, n'étant évidemment pas exclu. Entre autres difficultés qu'il y aura à surmonter, celle liée aux ambitions (légitimes) et aux calculs des uns et des autres apparaît en premier chef. Car des ambitions et des calculs, il y en aura inévitablement, quand bien même Bouteflika postulerait pour un 5e mandat. Un paramètre à prendre en compte, car la proposition de Jil Jadid ne pose pas la "disqualification" du Président sortant en préalable à la candidature unique de l'opposition. Et là, le risque politique encouru est grand : si Bouteflika est déclaré vainqueur face à toute, sinon à une majorité de l'opposition réunie, son magistère sera plus que jamais légitimé. Et dans les conditions actuelles d'organisation et de supervision des élections, le pari est franchement risqué. Sofiane Ait Iflis