Considérée comme un exemple naissant de démocratie dans un monde arabe en pleine mutation, mais aussi en plein chaos, la Tunisie officielle semble être nostalgique de l'ère sombre du régime de Ben Ali. L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (RHW) a rendu public, hier, un communiqué dans lequel elle met en cause les services de sécurité tunisiens, coupables de traitements abusifs à l'encontre des manifestants qui avaient été violemment empêchés de s'exprimer contre la politique économique et sociale du gouvernement tunisien. "En essayant de réprimer les protestations sociales qui ont frappé la majeure partie de la Tunisie en janvier 2018, la police a parfois battu les personnes arrêtées et a nié leur droit à un avocat en vertu de la loi tunisienne", lit-on dans le communiqué que HRW a publié, hier, sur son site et reprenant des extraits de son rapport, très illustratif de la velléité de retour à l'âge révolu du régime de Ben Ali. "Les autorités tunisiennes devraient bien sûr prévenir et poursuivre les actes criminels lors des manifestations, mais pas en les battant ou en refusant l'accès aux avocats; ils ne devraient pas non plus supprimer les droits d'assemblée et de parole", a déclaré Amna Guellali, directrice de la division tunisienne de Human Rights Watch, lit-on sur le même communiqué, appelant les autorités tunisiennes à enquêter sur les allégations de mauvais traitements infligés par la police aux manifestants et abandonner les poursuites contre toute personne inculpée uniquement pour rassemblement ou expression pacifique. Tout en tempérant le ton, en affirmant que dans de nombreux cas, au cours de la vague de protestations, les autorités ont respecté le droit de réunion pacifique et d'expression, HRW a toutefois relevé qu'en d'autres occasions, les autorités ont réprimé en arrêtant des manifestants. Pis encore, dans certains cas, des témoins ont déclaré que les autorités avaient violé les droits des personnes arrêtées à la suite de violences physiques ou en leur refusant l'accès à un avocat, insiste l'ONG qui a fait état de l'arrestation d'au moins 50 militants de Fesh Nestanaw, un mouvement de jeunes tunisiens qui conteste la politique du gouvernement. Ces militants ont été arrêtés pour avoir distribué "des tracts", ou pour avoir écrit des slogans sur les murs, ajoute l'ONG. Au moins 8 personnes seront jugées pour distribution de matériel nuisible à l'ordre public. Des dizaines de témoins, victimes des violences policières ont aussi été interrogés par Human Rights Watch. "Yeferni, un chômeur de 41 ans, est décédé lors de manifestations à Tebourba le 8 janvier. Les autorités ont déclaré que Yeferni souffrait d'une maladie respiratoire chronique et qu'il était mort d'asphyxie après avoir respiré du gaz lacrymogène. Cependant, des entretiens avec des témoins et des preuves vidéo suggèrent qu'une voiture de police l'a heurté", ajoute HRW. Dans la localité de Manouba, près de Tunis, "les rapports de police et les témoignages des proches suggèrent que les hommes ont tous été arrêtés lors des raids nocturnes sur leurs maisons les 9 et 13 janvier. Selon les proches, la police aurait battu certains détenus avec des matraques lors de leur arrestation devant leur domicile et leurs familles, et pendant l'interrogatoire" selon des extraits du rapport de HRW, ajoutant que "plusieurs hommes ont déclaré au juge lors de leur procès que la police les avait frappés pour les forcer à signer des aveux, dans certains cas sans pouvoir les lire". Injustement accusés de complot criminel pour commettre des attentats contre des personnes et des biens, les jeunes arrêtés ont finalement été acquittés par un juge du tribunal de première instance de Manouba le 23 janvier. Lyès Menacer