« Tout le monde le savait sauf moi. On ne m'avait rien dit... mais j'avais tout compris. Certaines personnes atteintes de cancer refusent de croire à ce diagnostic, se mettent en colère, deviennent anxieuses et d'autres arrivent même à avoir des idées suicidaires. Quant à moi, je suis restée étrangement calme, j'ai su que je n'avais pas le choix mais surtout j'avais fortement confiance en dieu. » C'était sa dernière année au lycée, l'année où elle devait passer son examen du baccalauréat. Bonne vivante, dynamique et ambitieuse, Racha, a commencé son année avec grande détermination ; comme tout autre élève algérien en terminal elle avait au programme : lycée, cours de soutien et révisions à la maison. C'était en octobre 2014, alors que, les choses sérieuses venaient tout juste de commencer, elle se sentait affaiblie à l'extrême et épuisée, la fatigue s'était déjà emparée d'elle, ou plutôt c'est ce qu'elle pensait. « J'ai voulu abandonner mes cours juste pour ne pas sortir » disait Racha. En novembre, elle ne dormait plus car elle souffrait de crises de douleur au niveau de son genou, décembre, elle marchait difficilement. Le premier médecin qu'elle a consulté lui a recommandé de faire une imagerie par résonance magnétique (IRM), deux autres, lui ont recommandé de faire une bande alcoolisée et de la rééducation. « J'ai pris le premier avis et je suis partie faire une IRM pensant que j'avais peut-être un Hématome. Les résultats ont pris trois jours pour sortir, toute ma famille était au courant, sauf moi.» disait-elle. C'était à l'occasion du nouvel an que sa famille s'est rassemblée, pour lui parler et lui dire qu'elle avait besoin d'une biopsie. « Dans ma tête je me disais que j'avais une tumeur, parce que j'avais peur de ce mot... "Cancer"». La date de la biopsie a été fixée pour le 11 janvier, une date qui l'a marqué à cause de la négligence et l'inhumanité de l'équipe médicale dit-elle « j'étais sous rachianesthésie (anesthésie loco-régionale), consciente de ce qui se passait autour de moi, il faisait un froid glacial, j'étais sur la table sous ma blouse avec une douleur atroce, sans sonde urinaire et par faute d'inattention, le drap qui séparait les deux parties de mon corps est tombé, j'ai dû donc voir ma jambe ouverte ». Quatre échantillons ont été prélevés ; un envoyé à un laboratoire publique dont aujourd'hui le compte rendu n'a pas encore été délivré, un autre à un privé, le troisième a été envoyé en France, le dernier, elle le garde toujours. Une fois le compte rendu du laboratoire privé sorti, le verdict est tombé : un Ostéosarcome Fibroblastique. Première séance de chimiothérapie programmée pour le 27 janvier. « C'était un mardi, j'étais accompagnée de mes parents, peur et douleur j'ai eu des nausées et des vomissements tout au long du trajet vers l'hôpital de Blida, je savais ce qu'il m'attendait. Une fois arrivée, j'étais surprise par l'accueil chaleureux de l'équipe ; médecins et infirmiers. Après une consultation complète, j'étais prête pour commencer, tout se passait bien jusqu'au moment ou j'ai vu le cathéter, une vague de frayeur et de panique m'avait frappé, j'étais terrifiée. Une fois branché, la séance commence, la première heure se déroule le plus normalement possible, je suis même arrivée à m'endormir. La deuxième par contre, je me suis transformée en monstre, mes veines me brûlaient, j'avais des palpitations, des nausées, des vomissements, des maux de tête, je ne savais plus ce qui se passait. Durant ces moment atroces, difficiles, j'ai eu la chance d'avoir mes parents et ma famille (sœur, frères, tentes, oncles et grands-parents) à mes cotés. Après trois jours de chimiothérapie, il était enfin temps de sortir de l'hôpital, ne pouvant pas marcher, on m'avait préparé une chaise roulante, une fois l'avoir vu, je me suis dit que c'est sur cette dernière que je passerai ma vie, bizarrement, à cet instant là, malgré toute la douleur, la première chose qui m'est venue à l'esprit était comment pourrais-je la décorer ? Où pourrais-je mettre des rubans ? Une fois rentrée chez moi, j'étais surprise de trouver que ma sœur, Nada, qui n'avait que 15 ans, avait toute seule et en suivant les instructions des médecins seulement, désinfecté toute ma chambre. Le pire était encore à venir, je ne mangeais plus, je ne dormais plus, je criais de douleur, j'ai perdu 14Kg, mes cheveux ont commencé à chuter jusqu'à me retrouver chauve. Après la deuxième séance, j'ai perdu tout les poils de mon corps. Après la troisième, j'étais dans un état entre la vie et la mort, je suis rentrée en aplasie. Une baisse transitoire de globules blancs, une chute vertigineuse du nombre de plaquettes sanguines provocant des hémorragies externes». Le 26 mai, elle s'est faite opérée à l'hôpital Cochin (Paris), « J'ai passé le jour de mes dix-huit ans dans un bloc opératoire » disait-elle. Racha a eu un total de neuf séances de chimiothérapie tous les vingt-et-un jours dont chacune durait trois jours, la dernière était le 02 Octobre. Elle a repris ses études en décembre 2015, « Ce n'était pas facile, certains avaient peur de moi, d'autres ne voulaient même pas s'approcher par crainte que ce soit « contagieux » et d'autres m'ont dit que j'essayais de faire l'héroïne avec ma maladie. » Aujourd'hui elle n'est plus la....elle n'est plus en Algérie. Maintenant qu'elle a gagné sa bataille avec sa maladie, elle a décidé de quitter le pays pour poursuivre ses études à l'étranger. « J'ai pris la fuite vers l'autre coin du monde pour éviter tout cela, j'ai décidé de me refaire une nouvelle vie, même loin de chez moi, de ma famille, c'était la seule solution. Aujourd'hui, j'ai changé mon mode de vie complètement, j'essaye de survivre en donnant un gout, un sens à cette vie, je la savoure, je la vie pleinement même avec une mobilité réduite (je marche difficilement et je peux plus courir), je vis pour moi-même, je ne me soucis plus des futilités car je sais que notre existence, sur terre, n'est que passagère. C'est une nouvelle chance pour revenir à dieu, réévaluer mes priorités, profiter de chaque seconde et vivre à l'instant présent.» Pour conclure, elle avait un message à toute personne atteinte du cancer, « Accrochez vous à cette vie, car le Créateur y a mis des sagesses et beaucoup de bénéfices, notre foi est mise à l'épreuve, Dieu n'est pas injuste, il connait l'inconnaissable et veut pour nous ce qui est bon alors soyez patients, remettez vous à Dieu et ayez confiance en lui. » Racha ANNANE. Sabrina AID Partenariat Réd-DIG-"Liberté" (#RDL)/Alumni (HEC)