Les statistiques l�ont bien d�montr� : nous sommes de plus en plus atteints de cancer et � diff�rents stades de notre vie. Confront� � cette maladie, qui reste plus ou moins un tabou dans la soci�t�, le malade et son cercle familial sont tiraill�s entre espoir et d�faitisme. Au-del� de la prise en charge m�dicale du patient, il est vrai que le mental a un r�le pr�dominant dans la gu�rison. Alors comment r�agir face � ce diagnostic ? Quel est le r�le de la famille ? Dans cette enqu�te t�moignage, des patients et des membres de leurs familles partagent leurs exp�riences. Hamida, 45 ans, femme au foyer : �Ma m�re n�a jamais su qu�elle avait le cancer� Hamida a d� se faire tr�s jeune � la mort de sa m�re � l��ge de 43 ans. Atteinte d�un cancer de l�estomac, le diagnostic s�est fait tardivement. �Ma m�re se plaignait assez souvent de maux d�estomac sans que nous fassions r�ellement cas de son �tat. Chacun vaquait � ses occupations et elle-m�me s�est faite petit � petit � ses douleurs jusqu�� ne plus en parler. Jusqu�au jour o� de violents maux l�ont tiraill�e et clou�e au lit. Apr�s avoir effectu� tous les bilans n�cessaires, la sentence est tomb�e : cancer de l�estomac�, raconte Hamida, m�re de deux enfants. Les larmes aux yeux, elle continue : �Elle n�a jamais su qu�elle avait le cancer. Nous avons pr�f�r� taire cette information pour qu�elle ne s�inqui�te pas.� Lorsque cette maladie a �t� diagnostiqu�e, il �tait d�j� trop tard. Elle s�est m�tastas�e.�Ma m�re �tait tr�s belle et a beaucoup souffert durant sa vie. Pour les derniers jours de son existence, mon p�re, mes fr�res et s�urs et moi-m�me avons voulu qu�elle parte en paix ; qu�elle n�ait plus � s�inqui�ter pour nous. Nous nous sommes montr�s unis et essayions de ne pas pleurer devant elle. Quelques personnes ont �t� mises au courant. Les m�decins nous ont expliqu� que la chimioth�rapie ne servirait � rien. Nous avons petit � petit pris le relais pour la veiller et prier avec elle en lui expliquant que cela pourrait diminuer ses maux d�estomac. Nous nous sentions utiles de cette fa�on. M�me si elle maigrissait � vu d��il, je pense qu�elle se sentait apais�e et continuait � croire � sa gu�rison. Lors des derniers jours de sa vie, elle faisait m�me l�effort de se lever et de vaquer un peu � quelques occupations. Nous avions alors l�espoir de la garder plus longtemps aupr�s de nous. Mais ce n��tait qu�un mirage. Nous ne regrettons pas de ne pas lui avoir dit qu�elle souffrait d�un cancer. Elle serait pass�e par des moments de douleurs, de doute et d�incompr�hension. De cette fa�on, elle est partie en paix.� Fella, 43 ans, d�c�d�e d�un cancer du sein : �Mourir loin de la famille� La t�te pleine de projets et d�espoir, Fella, accompagn�e de son mari et de son fils, a pris le d�part d�Alger vers Montr�al. Cette immigration qu�elle a tant attendue, Fella n�y croyait plus. Pourtant, ce jour est bien l�. Apr�s avoir pass� cinq ans � Montr�al, elle revient au bled pour passer des vacances. �Elle avait programm� deux mois et demi de vacances. Elle en a profit� pour faire des bilans. Et tel un couperet, elle d�couvre qu�elle est atteinte d�un cancer du sein�, raconte sa m�re. D�s que la nouvelle s�est r�pandue, tous les membres de la famille ont commenc� � affluer chez nous. �C��tait de bon c�ur qu�ils venaient pour compatir, mais je voyais bien que cela g�nait Fella. Cette derni�re �tait fatigu�e et effray�e par les paroles d�usage. Petit � petit, une atmosph�re lugubre s�est install�e � la maison. C�est � ce moment-l� qu�en concertation avec son mari et son fils, Fella a d�cid� de repartir au Canada et de s�y faire soigner�, poursuit sa maman en hochant de la t�te. Elle explique le geste de sa fille : �Fella a pr�f�r� fuir l�atmosph�re familiale et les pleurs. Au Canada, des programmes de sorties adapt�s pour les canc�reux �taient mis en place pour les aider � mieux vivre avec la maladie. Tout un suivi psychologique est mis en place. Je me rappelle que lorsque les s�ances de chimioth�rapie ont d�but�, et qu�elle avait perdu ses cheveux, des assistantes ont petit � petit commenc� � la pr�parer psychiquement au port d�une perruque. Les derniers mois de son existence, elle les a partag�s entre les moments de joie et de pri�re. Elle ne voulait surtout pas rentrer en Alg�rie et faire face aux perp�tuelles lamentations des membres de la famille. Au fond, je me dis qu�elle avait raison. Au stade final, je suis partie la rejoindre au Canada, et apr�s son d�c�s, son corps a �t� rapatri� en Alg�rie. Tous les proches sont venus. Elle s�est battue contre la maladie durant quatre ans�, explique sa maman en pleurs. Mustapha, 33 ans, cancer du c�lon : �Mon moteur est l�avenir de mes enfants� �Chaque jour que Dieu fait, je me dis que je vais gu�rir. Je veux gu�rir pour mes trois enfants. Mon mental est ma force et j�y crois.� C�est en ces termes que Mustapha, agent administratif, a entam� son t�moignage. �Je pense que ces pens�es positives me permettent de continuer � aller de l�avant et � faire des projets.� Papa de trois enfants, �g�s entre 4 et 6 ans, Mustapha ne peut s�emp�cher d�avoir les larmes aux yeux en les �voquant : �Je ne peux pas me faire � l�id�e que je ne serais pas l� pour eux. Je crois au destin, mais c�est humain et c�est plus fort que moi.� Sa maladie, il en a pris conscience presque accidentellement. �Mon ami �tait malade et je lui rendais visite assez souvent � l�h�pital. Un jour, en lui disant que j�avais de temps en temps mal au c�lon, il m�a conseill� d�aller consulter. Et c�est ce que je fis. Je m�attendais � une prescription de quelques m�dicaments et rentrer chez moi tranquillement. J��tais pratiquement choqu� en prenant conscience du diagnostic. J�ai mis quelques jours avant de r�aliser mon �tat de sant�. Je n�ai pu avoir le courage d�informer mon �pouse qu�au bout de deux jours. C�est elle qui m�a secou� en me disant que nous allions nous en sortir du moment que la maladie �tait au premier stade.� Interrog� par rapport � la r�action des autres membres de sa famille, Mustapha fit cette confidence : �Sinc�rement, je pr�f�re ne pas en parler autour de moi. Seuls quelques membres de la famille sont mis au courant. Je ne pourrais pas supporter le regard pitoyable des autres ni leur compassion, d�une part. D�autre part, je ne veux pas que mes enfants sentent un quelconque changement dans notre famille. Ils sont jeunes, pleins de vie et je veux les voir ainsi avec leur �nergie positive. Ce cancer m�a rappel� la valeur de la vie. Mon m�decin traitant pense que je r�agis bien aux m�dicaments et que peut-�tre je n�aurais pas � faire de chimioth�rapie. Il pense aussi que mon mental est pour beaucoup dans cette r�action.� Mustapha comme beaucoup d�autres malades voudrait �tre suivi psychologiquement au sein des structures m�dicales. �Pouvoir discuter avec un psychologue qui peut donner des conseils, cela serait une tr�s bonne chose. Je pense aussi aux membres de la famille qui perdent quelqu�un. Cela serait un bon support pour eux�.