Après avoir tenté de régler à l'amiable la question des indemnités de limogeage de l'ex-coach national Lucas Alcaraz, la Fédération algérienne de football (FAF) devra défendre sa décision de rompre unilatéralement le contrat devant la commission du statut du joueur de la FIFA. En effet, limogé le 11 octobre 2017 pour "insuffisance de résultats", Alcaraz, comme révélé dans ces mêmes colonnes par le supplément sport de Liberté, a saisi la FIFA. Le technicien espagnol a évoqué un licenciement abusif et réclame le payement de l'intégralité de ses salaires jusqu'à juillet 2019, soit un montant de 1,26 million d'euros (soit 18 milliards de centimes). La FAF avait proposé 6 mois de salaire pour l' indemniser, ce qui représente la bagatelle de 360 000 euros, sachant que l'Espagnol touchait une mensualité de l'ordre de 60 000 euros. Une proposition qui a été refusée par l'ex-entraîneur de Grenade. Du coup, la balle est désormais dans le camp de la FIFA qui devra trancher dans ce dossier, le premier dans les annales de la FAF. Dans ce contentieux, la pièce maîtresse reste le contrat signé entre les deux parties le 19 avril 2017. C'est ce document qui servira de base à la FIFA pour arrêter son verdict, après avoir entendu les deux protagonistes, représentés par leurs avocats respectifs. Après avoir révélé, le 26 septembre 2017, les grands axes du contrat d'Alcaraz, notamment dans son volet avantages et primes, Liberté publie aujourd'hui, toujours en exclusivité, l'ensemble des articles contenus dans ce document tenu confidentiel par la FAF. D'emblée, dans son second article, le contrat stipule que "la FAF engage M. Alcaraz Gonzales Luis Lucas en qualité de sélectionneur national de l'équipe nationale de football algérienne A". Autrement dit, il n'est pas responsable des résultats de l'équipe nationale A', éliminée pourtant sous sa coupe face à la Libye lors du tour préliminaire pour le CHAN 2018, qui vient de s'achever au Maroc. La durée de ce contrat est justement déterminée dans l'article 4 qui indique que "le présent contrat est conclu pour une durée déterminée à compter du 19 avril 2017 et s'achèvera au terme de la phase finale de la coupe d'Afrique 2019". Clair, net et précis, le contrat n'inclut donc aucun objectif intermédiaire qui aurait permis justement à la FAF d'envisager une rupture du contrat dans le cas de résultat négatif, à l'exemple du CHAN 2018. Le piège de l'article 8 L'article 4 ajoute que "le contrat peut également s'achever si les objectifs visés à l'article 8 ci-dessous (rupture anticipée) ne sont pas réalisés". Que dit justement l'article 8 ? "Hors les cas de juste cause, tels que prévus par le règlement de la FIFA et pour lesquels une rupture pourra être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception par l'une ou l'autre partie, il est prévu que la FAF pourra résilier le présent contrat d'Alcaraz dans les conditions suivantes : non-qualification pour la phase finale de la CAN 2019." C'est-à-dire que tant que les Verts ne sont pas éliminés pour la phase finale CAN 2019, Alcaraz reste le chef de la barre technique. Or l'Algérie est toujours en course pour la CAN 2019. Elle a même toutes les chances d'être présente au Cameroun, d'où la nature abusive de la rupture du contrat invoquée par Alcaraz dans sa requête à la FIFA. D'ailleurs, le contrat prévoit même une indemnité de trois mois de salaire en cas de départ d'Alcaraz consécutivement à une élimination de la phase finale de la CAN 2019 et "une option de prolongation de contrat de deux années supplémentaires envisageable au cas où la sélection atteindrait les demi-finales de la CAN 2019". Pis, "la rupture du contrat entre les deux parties ne sera effective qu'au terme du dernier match de qualification de la CAN 2019". C'est-à-dire que même si l'EN est éliminée au bout de quelques matches de qualification, la FAF est obligée de garder (et payer aussi) Alcaraz jusqu'à la fin des éliminatoires. En outre, dans le chapitre obligations réciproques des parties, il est écrit noir sur blanc que le sélectionneur s'engage à "assurer sa fonction de sélectionneur national lors de toutes les compétitions officielles ou amicales dans lesquelles la sélection nationale A se trouvera engagée. Adopter une conduite qui ne puisse pas porter atteinte aux intérêts et au renom de la FAF ou de l'équipe nationale. Respecter l'ensemble des règlements en matière de dopage. Consacrer son temps et son savoir-faire de manière exclusive aux sélections algériennes de football étant précisé que cette exclusivité ne s'applique qu'à la fonction d'entraîneur de football et/ou de sélectionneur national. Assurer un scouting régulier des joueurs locaux et/ou de ceux évoluant à l'étranger. N'exercer aucune autre fonction rémunérée que celle prévue par le présent contrat. Observer une stratégie de communication adaptée et arrêtée par la FAF. Fournir au président de la FAF un rapport mensuel sur l'évolution des joueurs sélectionnés de la sélection et de la mission des membres des staffs qui lui sont rattachés. Séjourner au minimum 15 jours par mois en Algérie pour la prospection et le suivi des joueurs locaux ainsi qu'aux préparatifs des échéances de la sélection A. Organiser chaque mois au moins un stage de 4 à 5 jours aux joueurs locaux en vue d'une progression individuelle et collective". En ce qui concerne les obligations de la FAF, le contrat indique que "la FAF s'engage à mettre à la disposition du sélectionneur national l'ensemble des moyens humains et matériels nécessaires l'accomplissement de ses fonctions. La FAF mettra à la disposition d'Alcaraz un logement au CTN. Un véhicule avec chauffeur. Une puce de téléphone avec accès à l'international. Il est expressément convenu que l'ensemble des frais de transport en classes affaires et de trajet d'Alcaraz seront pris en charge par la FAF lors des déplacements rendus nécessaires par l'accomplissement de ses fonctions ou de son retour à son domicile. Alcaraz bénéficiera par ailleurs, dans l'exercice de ses fonctions, d'une assurance responsabilité civile souscrite par la FAF". L'article 6 explicite aussi les primes d'Alcaraz, à savoir "150 000 euros pour une victoire finale à la CAN 2019. 50 000 euros pour une place en demi-finale de la CAN 2019 et 100 000 euros pour une qualification au Mondial 2018", alors que ce dernier objectif ne figure curieusement pas dans le contrat d'Alcaraz. Le document en question garde néanmoins le meilleur pour la fin. Jugez-en : il s'agit de l'article 8 consacré à la rupture anticipée du contrat de travail. "Si Alcaraz résilie le présent contrat sans motif valable, il devra payer à la FAF une indemnité de 12 mois de salaires. Si la FAF résilie le présent contrat sans motif valable, elle devra s'acquitter des salaires dus au sélectionneur", soit ses salaires jusqu'à la fin de son contrat en juillet 2019. C'est là où le piège se referme sur la FAF par faute d'un contrat léonin, très mal négocié, et qui n'arrange donc que la partie adverse. Par : SAMIR LAMARI