Afin de pouvoir se débarrasser du coach national (c'est le mot) au mois de novembre prochain, soit après les deux matches contre le Cameroun et le Nigeria, comme souhaité par le bureau fédéral, la Fédération algérienne de football devra passer par l'étape inéluctable des négociations. C'est-à-dire qu'elle devra proposer au coach national Lucas Alcaraz une séparation à l'amiable négociée. Or le technicien espagnol, selon nos informations, ne l'entend pas de cette oreille et a déjà décidé de faire valoir ses droits aux indemnités de départ, évaluées aujourd'hui à plus de 20 milliards de centimes. Fort donc d'un contrat qui fait de la qualification à la CAN 2019 un objectif primordial, Alcaraz a le droit logiquement au payement intégral de ses salaires (60 000 euros par mois) jusqu'à la fin de la CAN 2019, soit en été 2019. Faites vos calculs. À moins donc d'un arrangement entre les deux parties, ce qui n'est pas exclu, surtout en cas d'un nouveau faux pas contre le Cameroun, le président de la FAF, Kheireddine Zetchi, devra débourser cette somme colossale pour corriger son erreur de casting. Selon les termes du contrat signé par Alcaraz, Zetchi ne pourra même pas redéployer Alcaraz dans une sélection des jeunes ou à la DTN, car ce contrat stipule clairement qu'"Alcaraz est recruté en tant que sélectionneur nationale de l'EN A". L'intermède à la tête de la sélection des locaux, ponctué d'une humiliante élimination du CHAN 2018 contre la Libye, n'était pas prévu dans le contrat, c'est juste un service rendu par Alcaraz à Zetchi, histoire d'économiser un salaire d'un autre entraîneur. Alcaraz a donc effectué une mission pour laquelle contractuellement il n'était pas payé et pour laquelle il ne pouvait pas donc être rendu responsable, alors que la FAF aurait dû inclure une clause pour l'EN A' qui aurait pu constituer présentement une brèche pour la FAF. De l'amateurisme, quoi ! Le CHAN 2018 aurait pu constituer pour la FAF un objectif intermédiaire qui lui aurait offert une porte de sortie. Cependant, le plus curieux dans ce contrat, c'est l'existence d'une clause absolument hallucinante et intrigante. De quoi s'agit-il ? En fait, cette clause écrite noir sur blanc stipule que dans le cas où l'EN n'atteindrait pas le stade des quarts de finale de la CAN 2019, la FAF a le droit de résilier le contrat de travail mais à une condition : Alcaraz bénéficiera d'une indemnité de départ équivalant à trois mois salaires, soit 180 000 euros.
Un contrat léonin Et si Alcaraz hisse les Verts au stade des demi-finales, il aura droit à une prime de 50 000 euros. C'est-à-dire qu'Alcaraz n'aura quasiment rien à perdre dans le cas d'une élimination dès les quarts de finale. Or la logique voudrait que si le technicien espagnol ne réussit pas son objectif des quarts de finale, il sera limogé sans indemnités de départ, mais ce n'est pas ce que pensent les représentants de la FAF à cette négociation. Il faut noter aussi que le contrat prévoit également une prime de 150 000 euros si l'EN venait à remporter la CAN 2019, ce qui correspond à une prime exorbitante et démesurée. Pis, le contrat prévoit aussi une prime de 100 000 euros en cas de qualification au Mondial 2018, alors qu'Alcaraz a toujours soutenu qu'il n'est pas responsable de l'objectif du Mondial. En d'autres termes, pour Alcaraz, si l'EN s'était qualifiée à la Coupe du monde c'est bien, elle lui aurait rapporté un bon pactole, mais dans le cas contraire, comme c'est le cas aujourd'hui, il ne perd rien. Hallucinant. Du pain bénit tombé du ciel clément d'Algérie, quoi ! Et ce n'est pas fini encore en termes de largesses, jugez-en : le contrat stipule qu'Alcaraz devra diriger tous les matches des éliminatoires de la CAN 2019, même si l'Algérie est éliminée au bout de 3 matches de la phase finale. Sachant que les éliminatoires s'étalent du mois de juin 2017 à septembre 2018, imaginez le nombre de salaires à payer à Alcaraz même s'il est éliminée au bout de quelques matches, même s'il faut concéder là que cette éventualité est quasi nulle, du fait que 24 équipes vont se qualifier à la CAN 2019. La partie algérienne qui a négocié ce contrat avec l'aide d'un agent marocain a dû sans doute trouver son compte dans ce deal fait sur le dos des intérêts de la FAF. Dans le jargon économique, cela s'appelle un contrat léonin, c'est-à-dire qu'il n'arrange qu'une seule partie, cette dernière, en l'occurrence Alcaraz, se réservant des avantages supérieurs à la FAF. Pour rappel, l'agent marocain engagé par la FAF pour négocier le recrutement d'Alcaraz a touché une commission de 30 000 euros. Il avait bénéficié d'une seconde prime de 10 000 euros pour l'organisation du match amical contre la Guinée au mois de juin dernier. Dans une déclaration à la presse, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Ould Ali El-Hadi, a déclaré que l'équipe nationale constitue une ligne rouge ; certains visiblement l'ont déjà franchie. SAMIR LAMARI