Au moment où l'Europe célèbre le soixantenaire de la fin du fascisme, ce contentieux est peut-être en train de connaître son épilogue. Egaux avec leurs compagnons français devant la mort lorsqu'il fallait affronter l'armée nazie, les combattants algériens n'ont pas eu la même reconnaissance officielle au lendemain de la libération. Indigènes, ils étaient, tels ils sont restés. Qu'importe qu'ils aient combattu sous l'emblème tricolore arborant le triptyque “Liberté, Egalité, Fraternité”. Ils n'auront pas la même pension de guerre que leurs compagnons de lutte. Au moment où l'Europe célèbre le soixantenaire de la fin du fascisme, ce contentieux est peut-être en train de connaître son épilogue grâce à un autre combat mené par un vétéran de la Seconde Guerre mondiale devant les tribunaux français. Grâce à ses avocats, un vieil Oranais vient d'obtenir auprès du tribunal administratif de Poitiers la revalorisation de sa pension militaire avec effet rétroactif au 2 août 1975. La décision peut faire jurisprudence et amener le gouvernement français à rétablir dans leurs droits tous les Algériens revenus du front de la Seconde Guerre mondiale et qui sont toujours en vie. Ce sera le prix de tergiversations qui n'ont pas permis l'application d'une loi adoptée en décembre 2002 et prévoyant une revalorisation partielle des pensions. Tahar S. était appelé sous les drapeaux le 20 octobre 1937. Il a combattu aux côtés des Français jusqu'au 30 juin 1945. Fait prisonnier de juin 1940 à septembre 1942, il rejoignit les forces françaises libres pour participer au débarquement en Normandie. En 1952, il regagna sa ville natale d'Oran pour travailler dans la Fonction publique jusqu'à son départ à la retraite en 1964. Depuis, il ne percevait annuellement qu'une pension militaire “cristallisée” de 56 euros contre 427 euros pour les combattants français. La pension des combattants étrangers était en fait gelée par une loi de “cristallisation” datant de 1959. Ses correspondances n'ont jamais trouvé de suite jusqu'à l'année 2003 où deux avocats de Poitiers ont décidé de se saisir de son dossier. Mes Bagdad Hemaz et Laurent Clair se sont appuyés sur un article de la Convention européenne des droits de l'Homme pour défendre leur requête. L'article que “la jouissance des droits et libertés (...) doit être assurée sans distinction aucune, fondée, notamment, sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion (...), l'origine nationale ou sociale”. À la suite de quoi, le juge du tribunal administratif a demandé au ministère de la Défense et à la caisse des dépôts et consignations de prendre dans les deux mois toutes les mesures permettant à Tahar S. “de percevoir une pension décristallisée avec régularisation à compter du 2 août 1975”. En réalité, c'est la deuxième fois que la justice française donne raison à un ancien combattant étranger. En 2001, le Conseil d'Etat avait conforté à titre posthume un ancien tirailleur sénégalais. De crainte d'une jurisprudence, le gouvernement faisait adopter le 30 décembre 2002 une revalorisation des pensions militaires prévoyant une indexation sur le coût de vie dans les pays où résident les bénéficiaires. Les décrets d'application n'ont pas été publiés. Ils risquent de se révéler caducs. Y. K.