Intervenant, hier, à l'occasion de la Journée internationale de la langue maternelle au Forum de la Radio culturelle, Abderrezak Dourari, directeur du Centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight (CNPLET), n'a pas été tendre avec la politique linguistique adoptée par les autorités algériennes depuis l'indépendance. Ainsi, il a estimé en substance que cette politique est suicidaire, dans la mesure où elle ne réserve pas de place aux langues maternelles algériennes, à savoir tamazight et l'arabe algérien. Dans son réquisitoire, le Dr Dourari a souligné l'importance de la langue maternelle dans la construction de la personnalité individuelle ou collective, ce qui n'a jamais été pris en compte par les pouvoirs successifs à la tête de l'Etat. "Même le fœtus apprend la langue de sa mère. Cela dit, cette langue à un rôle très important dans la formation de la personnalité de cet enfant", a-t-il plaidé, ajoutant qu'au-delà de ce rôle, "elle est également le médiateur entre la personne et son environnement social". "La formation neurolinguistique et cognitive de l'enfant se fait avec sa langue maternelle", a-t-il encore dit, soulignant qu'elle est aussi la première langue de sa socialisation. Concernant l'absence des langues maternelles algériennes dans l'institution de l'Education nationale, il a estimé que cela représente "une rupture de toute cette formation neurolinguistique et cognitive puisqu'il est appelé à apprendre une autre langue complétement étrangère à son environnement". Concernant la célébration de la Journée de la langue maternelle, le Dr Dourari a rappelé que la Banque mondiale, l'Unesco et les autres institutions onusiennes plaident à l'unisson pour l'utilisation des langues maternelles. "C'est une meilleure manière d'accomplir les connaissances acquises avant l'école", a-t-il dit, ajoutant qu'après une expérience de la Banque mondiale réalisée sur 100 groupes durant 10 ans et qui ont reçu chacun un enseignement dans sa langue maternelle, le résultat était presque de 100% de réussite. Il a également cité l'exemple de l'école Zakoura au Maroc où un enseignement dans la langue arabe dialectal marocain est dispensé aux élèves avec un résultat de plus de 90% de réussite. "Les acquis des enfants dans leur langue maternelle sont énormes, et plaider le contraire, c'est défendre une idéologie", a-t-il accusé les adversaires de l'introduction des langues maternelles à l'école. À propos de la promotion de la langue, le cas de tamazight, le Dr Dourari plaide, d'abord, pour l'enseignement de chaque variante de cette langue dans son espace géographique défini. Il a estimé que la promotion d'une quelconque langue passe essentiellement par "l'acceptation de ses symboles, l'arrêt de sa répression et assurer la liberté de la création dans cette langue et son enseignement". C'est, en gros, le contraire qu'a subi la langue amazighe depuis l'indépendance jusqu'à un passé récent. Mohamed Mouloudj