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Les Touareg lancent un ultimatum au pouvoir
Ils menacent d'investir la rue si les autorités ne réagissent pas d'ici à une semaine
Publié dans Liberté le 25 - 02 - 2018

"Si aucune suite ne nous est donnée d'ici à dimanche prochain, Tamanrasset sera le théâtre d'une manifestation grandiose", a menacé l'Amenokal de l'Ahaggar, Ahmed Edaber.
La situation qui prévaut dans le sud du pays, dans les régions targuies, est explosive. Les Touareg, qui ont émis un cri de colère, ne comptent pas en rester là. Ils menacent d'investir le chef-lieu de la wilaya de Tamanrasset. L'Amenokal de l'Ahaggar, Ahmed Edaber, qui a fait de fracassantes déclarations sur cette situation qui risque de dégénérer à n'importe quel moment (voir l'article de notre édition d'hier), a adressé un ultimatum aux autorités avant de passer à l'action. "Si aucune suite ne nous est donnée d'ici à dimanche prochain, Tamanrasset sera le théâtre d'une manifestation grandiose. Toutes les tribus targuies, jusque-là retenues d'investir la rue pour éviter d'en rajouter une couche aux soubresauts et spasmes de protestation qui secouent le pays, seront invitées à un grand rassemblement au chef-lieu de wilaya pour exprimer leur ras-le-bol et crier à tue-tête contre la hogra (l'avanie)", a-t-il averti.
Ecarté de la gestion des affaires régionales et des événements officiels abrités par cette wilaya géostratégique, Edaber menace de déposer sa démission du prestigieux poste de chef spirituel des Touareg et, par conséquence, de charger le pouvoir en place des répercutions que pourraient avoir cette effervescence communautaire et le soulèvement d'une population à laquelle on ne fait appel que lors des échéances électorales. En fin de semaine, rappelons-le, plusieurs dizaines de notables et chefs de tribus targuies ont pris part au rassemblement organisé dans l'oued traversant la ville de Tamanrasset, en signe de protestation contre "la hogra" et "la politique d'exclusion" appliquée à leur égard. Par des voix vibrantes de colère et d'irritation à peine contenues, les protestataires, issus d'une trentaine de tribus dont, entre autres, Tagrambaït, In Dalag, Tahaouhaout, Tahifet, Izarnen et In Zaouen, se sont exprimés sur les problèmes socioéconomiques qui meublent leur quotidien. Tout en rappelant des événements que vit cette région aux 50 nationalités et le rôle prépondérant joué par les Touareg dans la gestion des conflits ayant sérieusement secoué les pays voisins, les notables mécontents ont réclamé plus "d'égard et de considération". "La marginalisation" était sur les lèvres de tous les protestataires qui ont poussé un profond cri d'indignation à l'encontre de l'administration qui les a, vraisemblablement, "rayés des programmes de développement accordés à cette wilaya", ont-ils maugréé, en réitérant la plateforme de revendications soumise, en janvier écoulé, par le biais de leur chef spirituel, au premier magistrat de la wilaya, Djilali Doumi. Signée par
60 notables, cette plateforme, dont nous détenons une copie, énumère les principaux problèmes dans lesquels ils se morfondent, à commencer par l'épineux dossier des omis de l'état civil, l'électrification rurale, le logement, l'impraticabilité des routes en passant par les désagréments liés aux traditions bureaucratiques de l'administration locale, notamment concernant les conditions de délivrance des fiches et certificats de résidence. Le dossier de l'agriculture n'est pas en reste puisque les rédacteurs de cette missive, qui demeure lettre morte et une doléance sans suite, évoque aussi le manque d'approvisionnement des agriculteurs en carburant destiné aux véhicules de transport ainsi qu'à la mise en marche des moteurs d'irrigation.
La mafia du foncier qui a fait main basse sur d'importants lots de terrain dans la capitale du tourisme saharien qui est, faut-il le signaler, devenue un immense bidonville viabilisé sous le regard coupable des autorités compétentes, a également été soulevé par les Touareg. Ces derniers ont parlé de l'excroissance urbaine et de la propagation préoccupante de constructions illicites profitant à des étrangers de l'Afrique subsaharienne aux dépens des lois de la République. "Face à la gravité de ce phénomène, nous risquons même d'être dépossédés de nos propres terres et de nos biens", dénoncent-ils. Même les terres labourables et les exploitations agricoles n'ont pas échappé à cette razzia qui met à nu la politique panégyrique des autorités et montre, parallèlement, l'impuissance des responsables centraux à venir à bout d'un problème multidimensionnel.
RABAH KARECHE


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