L'Amenokal de l'Ahaggar, Ahmed Edaber, est sorti de sa réserve pour alerter, via la presse, les plus hautes autorités du pays. Il parle de "notables importés pour relancer les desseins séparatistes de la France". La marginalisation dont se sent victime la communauté targuie dans la wilaya de Tamanrasset a fait réagir, ce jeudi, l'Amenokal de l'Ahaggar, Ahmed Edaber, qui s'en est remis aux plus hautes autorités du pays pour réhabiliter les Touareg dans leurs droits. Interpellé par une trentaine de chefs de tribus qui réclamaient une part de développement pour cette vaste région, M. Edaber a décidé de se livrer à la presse pour brosser un tableau noir d'une réalité que les responsables locaux feignent d'ignorer. À commencer par la situation des routes reliant le chef-lieu de wilaya aux localités environnantes, qui se trouvent dans un état de grand délabrement, et le problème de santé dans les villages enclavés qui manquent terriblement de personnels médical et paramédical, en passant par l'épineux dossier des omis de l'état civil, lequel est toujours renvoyé aux calendes grecques. Cette situation qui ne laisse personne insensible, risquerait ainsi de dégénérer. L'Amenokal de l'Ahaggar a brisé le silence pour s'insurger contre cette déliquescence et crier sa colère contre la mise à l'écart, injuste et discriminatoire, de l'autorité traditionnelle des Touareg par l'Etat qui "doit comprendre que Tamanrasset est une partie indissociable de l'Algérie. La patience a dépassé le seuil de tolérance. Les Touareg ne se reconnaissent plus dans cette wilaya où les étrangers de l'Afrique noire ont plus de droits que les autochtones. Inadmissible ! Il est temps de faire changer les choses si l'on veut éviter de replonger le pays dans une crise d'une autre dimension", avertit le chef spirituel des Touareg qui a tiré à boulets rouges sur les autorités locales. Ces dernières semblent vouloir s'accommoder de l'absence de l'Amenokal dans plusieurs événements officiels auxquels il n'a jamais été convié, dont le dernier en date est la célébration de la Journée nationale du chahid. "Je trouve anormal que l'Amenokal, élu par plus de 300 tribus targuies, soit, toute honte bue, écarté et ignoré lors d'une journée pareille. Il faut qu'ils (responsables locaux, Ndlr) sachent que je suis issu d'une famille qui a marqué l'histoire de la Révolution algérienne, je ne suis pas un harki", a-t-il dénoncé, non sans rappeler que les tribus de l'Ahaggar ont indéniablement contribué à l'édification de l'Algérie et su préserver son unité et son intégrité territoriale. L'autorité traditionnelle, ou ce que fut la confédération des Touareg, joue donc un rôle prépondérant dans la stabilité du pays du fait qu'elle servait de passerelle de communication entre les pouvoirs publics et la société civile, notamment durant la décennie noire. En effet, durant cette période, l'Etat avait fait appel aux chefs de tribus pour consolider les rangs dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme. Toutefois, avec le rétablissement de la paix et après que l'Algérie eut retrouvé sa place sur la scène internationale, l'Etat semble tourner le dos aux notables qui se sentent délaissés. "Cette marginalisation, que l'Amenokal pense voulue et préméditée, a, malheureusement, donné libre cours à des opportunistes qui voudraient réaliser les desseins séparatistes légués par la France coloniale", accuse M. Edaber, en pointant du doigt le pouvoir en place. Et de poursuivre que si cette région du Grand-Sud, plus exposée aux menaces et aux manipulations étrangères, s'est jusque-là immunisée contre la fièvre du Sahel, c'est un peu grâce à l'union des Touareg, connus pour leur nationalisme. "Nous n'avons pas besoin de récompense mais de reconnaissance, pour mettre un terme aux arrivistes et aux notables importés qui ont l'entregent de se prendre pour des représentants des Touareg de l'Ahaggar. Or, la dégradation de la situation sécuritaire, politique et économique de la région ne tolère nullement ce genre d'agissement que les peuples de la wilaya récusent vivement", a-t-il conclu. RABAH KARECHE