Un petit tour dans le plus grand hôpital du pays a suffi pour constater si la décision de ne plus garantir le service minimum en journée aurait un impact direct sur le fonctionnement des 38 services du CHU Mustapha-Pacha. Sans se donner, la veille, un quelconque rendez-vous, les 900 médecins résidents exerçant au CHU Mustapha-Pacha, en grève ouverte, se sont retrouvés, hier matin, au rond-point central, à la place des Trois-Horloges, à l'intérieur de l'établissement hospitalier. Ils ont décidé, hier, de cesser toute activité hospitalière de jour de 8h à 16h, comme ils l'assuraient, jusque-là, dans le cadre du système de garde de 24 heures, de 8h à 8h. À défaut d'être dans leurs services respectifs, ils sont venus faire le piquet de grève à la placette dite de la "Protesta" et crier haut et fort : "Fini le service minimum en journée. Nous assurerons le service minimum à partir de 16h, comme le stipule la réglementation en vigueur en cas de débrayage", déplore un groupe de praticiens spécialistes en formation, qui ne s'était pas rassemblé, dit-on, pour scander des slogans et pour battre le pavé à l'intérieur de l'hôpital. "Nous sommes là pour défendre notre cause et répondre aux dernières sanctions financières illégales prises à l'encontre des résidents. Rien n'entamera notre détermination à défendre la dignité du soignant et le droit du patient à un système public juste et efficient." Les résidents, organisés en petits groupes, s'échangeaient les dernières nouvelles, notamment celles émanant du département de l'Enseignements supérieur d'où le ministre Tahar Hadjar a menacé, la veille, de sévir contre les résidents qui oseront boycotter le Dems, qui devra débuter, aujourd'hui lundi, avec les épreuves d'ophtalmologie prévues à la faculté de médecine Ziania d'Alger. Conscients de la dernière décision prise par le bureau national du Camra, qui s'est réuni samedi à Tizi Ouzou, les futurs spécialistes de Mustapha-Pacha disent qu'ils n'ont pas d'autre alternative que de suspendre l'activité de garde de jour de 24 heures qu'ils assuraient volontairement dans l'intérêt du patient pour éviter des dysfonctionnement notables des services, tout en maintenant le débrayage. Un petit tour dans le plus grand hôpital du pays a suffi pour constater si la décision de ne plus garantir le service minimum en journée aurait un impact direct sur le fonctionnement de ses 38 services. Nous avons ainsi marqué une halte au niveau des urgences pour prendre le pouls du premier service de l'établissement hospitalier. À première vue, à l'entrée du hall, rien n'indiquait que les choses allaient se corser après que les praticiens spécialistes en formation aient haussé le ton. Les patients étaient là à attendre pour se faire ausculter par le médecin généraliste installé dans le premier box dédié au tri médical. Les assistants assurent le service Les médecins urgentistes affectés s'affairent à "trier" médicalement les malades selon les cas présentés. "à notre niveau, au tri médical, la grève des résidents n'a pas vraiment perturbé le service, puisque cette mission de tri médical est assurée de 8h à 18h par des généralistes de deux brigades qui se relaient. La première brigade assure le service de 8h à 13h, et la deuxième de 13h à 18h. Les résidents reprennent le travail, habituellement, à partir de 18h", confiera un urgentiste qui devait finir son service à 13h. L'impact de l'arrêt d'activité hospitalière de jour est nettement visible au niveau des autres compartiments du service des urgences. En effet, ce sont les assistants qui assurent, en présence des internes et des externes, le fonctionnement des salles dédiées à la chirurgie générale, l'orthopédie, la neurochirurgie, la chirurgie thoracique, la réa-déchocage. L'absence du résident y a pesé, puisque ce sont les maîtres assistants qui viennent assurer le fonctionnement du service. "Je suis en train de faire des choses que je n'ai pas faites depuis plus de 20 ans. Au lieu de m'occuper des interventions chirurgicales au niveau de notre service pour diminuer la pression et opérer des malades qui attendent depuis des mois, je me retrouve aujourd'hui à faire le travail de débutant du praticien en formation au niveau des urgences. Ils nous ont demandé de pallier l'absence du résident de 8h à 16h", regrettera un maître assistant qui a requis l'anonymat. Des spécialistes de différents grades qui assurent la marche des urgences, cela se passe de tout commentaire ! Il s'agit, dit-on, de soigner la vitrine du CHU Mustapha, les urgences en l'occurrence. D'ailleurs, la direction générale de l'hôpital a demandé aux 38 chefs de service de prendre les dispositions nécessaires pour pallier le déficit des résidents qui sont plus de 900. Au niveau du service traumatologie-orthopédie, les choses semblent fonctionner au ralenti. Le bâtiment abritant le service de traumatologie Bichat était pratiquement désert. Les rares malades rencontrés sont venus chercher des nouveaux rendez-vous pour se faire opérer. "On est en train d'assurer de simples consultations à la place des résidents au lieu d'opérer des malades qui attendent. Les pouvoirs doivent leur régler leur problème, il est question de la santé", confiera un assistant. "La trentaine de résidents exerçant au niveau de Bichat constitue un maillon fort dans le fonctionnement du service", témoignera un paramédical. Le même constat reste valable pour le service de gynécologie obstétrique qui emploie une soixantaine de résidents. "Le service fonctionne au ralenti depuis novembre dernier. Ce sont les spécialistes de différents grades qui assurent le suivi routinier des malades. Où va-t-on comme ça avec cette politique de fuite en avant ? Personne ne s'en inquiète. Les rares femmes qui ont les moyens partent chez le privé pour se soigner, mais les démunies attendront encore si elles ne venaient pas à mourir entretemps", dénoncera une surveillante médicale. Le bâtiment dédié à la chirurgie infantile grouille de monde. Des familles attendent d'être reçues pour prendre rendez-vous pour leurs enfants malades. "C'est vraiment pénible de travailler sans les résidents. Les 30 spécialistes en formation jouent un rôle fondamental dans notre service qui assure, au quotidien, des interventions chirurgicales pédiatriques. Nous sommes obligés de continuer à programmer des malades et à les opérer. Le retentissement de la grève des résidents ne date pas d'aujourd'hui, nous avons commencé à ressentir le vide des résidents depuis le début de la grève en novembre dernier", révèlera un maître assistant, qui précisera que l'activité médicale et chirurgicale est réduite de plus de 50%. Il faut savoir que la liste d'attente des enfants à opérer, dit-on, ne cesse de s'allonger. Lors de notre petite tournée, nous avons tenté de prendre attache avec les responsables des services que nous avons visités, mais ils n'y étaient pas, hier, le matin. Leurs collaborateurs nous ont assuré qu'ils devaient prendre part à une réunion importante décidée par la tutelle. "Le professeur était là, ce matin (hier matin, ndlr), mais il venait juste de sortir pour assister à une réunion de travail à l'extérieur." Nos interlocuteurs rencontrés hier reconnaissent que les différents services du CHU fonctionnent au ralenti depuis le début de la grève, quand bien même les pouvoirs publics tentent de dissimuler la réalité. Les seuls services qui continuent à fonctionner, plus ou moins normalement, sont ceux qui traitent des sciences fondamentales, telles la microbiologie, la cytologie, la cytogénétique, l'hémobiologie, la biochimie et la parasitologie. "Pour ce qui est des sciences fondamentales, la grève des résidents n'a pas vraiment perturbé ces services, puisque c'est la machine qui fait tout, les résidents sont là pour avis et la lecture des résultats", indiquera un médecin résident qui était présent au rassemblement spontané tenu au niveau du rond-point de l'hôpital. À la faveur de cette nouvelle décision de suspension des gardes de jour, les spécialistes en formation entendent envoyer un message clair à qui de droit pour dire : "Fini le temps du résident agent d'accueil, résident brancardier, résident coursier, résident accompagnateur." Hanafi H.