C'est une vaste rafle — et d'une ampleur jamais égalée — de migrants subsahariens qui a été opérée, hier, dès 5 heures du matin à Oran. En effet, selon des témoignages recueillis, plusieurs quartiers de la ville, à l'instar d'El-Hassi ou de Coca, deux immenses bidonvilles à la lisière ouest d'Oran, ont été investis par les forces de sécurité pour déloger tous les migrants subsahariens. Cette opération a aussi ciblé d'autres lieux réputés abriter des communautés de migrants, tels que le quartier des Amandiers, des hôtels de Tahtaha, à M'dina Jd'ida et la commune d'Aïn Beïda, où une "rafle" avait déjà été opérée le 17 mars dernier. En fin de matinée, on évoquait quelque 300 migrants arrêtés, dont des femmes et des enfants, qui ont été regroupés dans un centre de la DAS à Bir El-Djir, avant leur reconduction vers le Sud du pays, dans des bus qui devaient prendre la route en fin de journée. Sur place, un dispositif sécuritaire, entre policiers et gendarmes, était mis en place dès les premières heures du jour, alors que l'accès à ce centre nous était formellement interdit. Le représentant du Croissant-Rouge algérien (CRA), qui apporte son concours à cette opération, nous a affirmé que ce sont 60 bénévoles qui ont été mobilisés "pour prendre en charge les migrants que nous traitons de manière humaine comme l'Algérie l'a toujours fait". Le secteur de la santé aussi a été mis à contribution avec la présence de médecins généralistes et de sages-femmes, des femmes migrantes enceintes nécessitant des soins. Les migrants ont pu joindre par téléphone des ONG locales et des journalistes. Les femmes et les hommes ont été séparés. Les groupes d'hommes, trop nombreux, ont été répartis sur plusieurs salles du centre. L'opération, présentée comme entrant dans le cadre de l'accord avec le Niger et donc censée ne concerner que les Hawssas du Niger, s'est soldée par l'arrestation d'autres ressortissants africains, tels que des Camerounais, des Guinéens, des Ivoiriens et des Libériens. À Coca et à El-Hassi, les maisons louées par les migrants arrêtés ont été pillées par des bandes de voyous, avons-nous appris. Cette nouvelle rafle intervient à la veille de l'audition à Genève de l'Algérie devant le Comité onusien pour la protection et les droits des travailleurs migrants dans sa 28e session. Notre pays va, probablement, être soumis à un examen sévère pour sa politique migratoire "suite aux expulsions massives de migrants contraire aux conventions pour la protection des familles et des travailleurs migrants". Des ONG locales, comme la Laddh aile de Me Dabouz, des syndicats et des organisations internationales des droits de l'Homme ont, ces dernières années, pointé du doigt l'Algérie pour sa politique d'expulsion des migrants, sans distinction. Le ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui, avait dû réagir à maintes reprises, quant à ces accusations en justifiant la multiplication de ces rafles telles que celle de décembre 2017 à Alger en plein Sommet économique africain. Pour lui, ces ONG internationales distilleraient des informations pour "souiller l'image de notre pays". Il avait encore expliqué que ces opérations se déroulaient dans le respect des droits de l'Homme et des engagements internationaux de l'Algérie. Des chiffres avaient été notamment donnés par le ministère de l'Intérieur rappelant que "27 000 migrants avaient été refoulés depuis 2015 et que, quotidiennement, à nos frontières, ce sont 500 tentatives de passage de migrants illégaux qui sont signalées par les services de sécurité". C'est encore dans ce contexte que sont évoqués des réseaux de passeurs et d'exploitation des enfants du Niger, alors que la lutte devrait s'intensifier contre ces mêmes réseaux, qui font des migrants des victimes. D. LOUKIL