L'institution financière internationale prévoit dans son dernier rapport sur l'évolution des économies de la zone Mena un processus de paupérisation en Algérie : 10% de la population pourraient retomber dans la pauvreté au cours des prochaines années. Le dernier rapport de la Banque mondiale sur le suivi de la situation économique dans la région Maghreb et Moyen-Orient (Mena) prévoit une dégradation de la situation économique et financière de l'Algérie d'ici à 2020. Selon cette institution financière internationale, le pays se dirige vers une crise financière favorisée par le recours à la planche à billets. "Il serait difficile de résister à la tentation de retarder à nouveau ce rééquilibrage (équilibre budgétaire et de la balance des paiements) même si le pays se dirige vers une crise financière déclenchée par le recours au seigneuriage (planche à billets) pour financer le déficit budgétaire", estime la Banque mondiale. À l'appui de cette conclusion, la Banque mondiale pointe du doigt la propension du gouvernement à augmenter les dépenses publiques, au détriment de la réduction importante du déficit budgétaire. "La nouvelle équipe gouvernementale nommée en mai 2017 a mis un terme au processus de rééquilibrage des finances publiques et a recommencé à procéder à d'importantes dépenses, en particulier au titre du logement", lit-on dans le document. En clair, cette crise financière résulterait, selon la Banque mondiale, des effets néfastes de la planche à billets, de la politique de dépense publique mais aussi du refus de l'Exécutif à recourir à l'endettement extérieur. Cette politique entraînera une hausse de l'inflation ou, en termes simples, une augmentation importante des prix, estime l'institution. La Banque mondiale prévoit, en effet, 7,5% d'inflation en 2018, 8,1% en 2019 et 9% en 2020, contre 5,5% en 2017. "Une croissance anémique en 2019-2020" La Banque mondiale anticipe également une augmentation du taux de chômage ainsi que de la pauvreté en Algérie. "Le taux de chômage a augmenté de près de 1,5 point de pourcentage en raison de la croissance léthargique du secteur hors hydrocarbures : il était de 11,7% en septembre 2017, soit un niveau plus élevé que celui de 10,5% enregistré en septembre 2016. Le chômage est particulièrement important parmi les personnes instruites, les jeunes et les femmes. La montée du chômage compromet la réduction de la pauvreté. 10% de la population pourraient retomber dans la pauvreté ; les disparités régionales sont toujours importantes puisque certaines régions affichent des taux de chômage qui représentent le double (Sahara) ou le triple (steppe)", lit-on dans le rapport. Pour la Banque mondiale, l'augmentation des cours du pétrole et de la production d'hydrocarbures prévisible à partir de 2018 ne suffira pas à réduire le déficit budgétaire en raison de l'augmentation des dépenses publiques et encore moins à impulser la croissance économique. "Le double déficit (budget) continuera de s'aggraver en 2018 et l'intention manifestée de recourir au financement monétaire (planche à billets) est très préoccupante. Dans le cadre budgétaire actuel (2018-2020) adopté dans la loi de finances 2018, les dépenses publiques resteront très élevées et ne seront pas contrebalancées par l'augmentation des recettes publiques qui pourrait résulter de la remontée escomptée des cours du pétrole et de la production de pétrole. La persistance du déficit budgétaire pourrait provoquer une forte création de monnaie, les autorités ayant jusqu'à présent refusé de financer le déficit en recourant aux emprunts extérieurs", estime la Banque mondiale. Par ailleurs, la Banque mondiale prévoit de ce fait que la croissance économique ne devrait pas dépasser 2% en 2019-2020. "Il serait difficile pour le taux de croissance du PIB de dépasser le seuil de 2% sur la période 2019-2020, ce qui représente une progression anémique pour un pays à revenu intermédiaire comptant une très forte proportion de jeunes". Ainsi, en dépit de l'apport de la planche à billets à la redynamisation des chantiers d'infrastructures et à l'appui aux systèmes productifs dans l'agriculture et l'industrie, en dépit de meilleures perspectives dans le secteur pétrolier, la Banque mondiale prévoit paradoxalement au cours des deux prochaines années une croissance à moins de 3% : 2% en 2019 et 1,3% en 2020. K. Remouche