La direction du conseil de l'Ordre tiendra une conférence de presse ce mercredi. La visite de Dominique Perben, ministre français de la Justice et garde des Sceaux depuis, hier, à Alger coïncide avec une montée au créneau des avocats. Bien que la crise à laquelle les Robes noires sont confrontées soit endémique, rien ne laissait prédire qu'ils hausseraient le ton maintenant. La venue du garde des Sceaux français a-t-elle motivé leur sortie ? Dans un communiqué très virulent rendu public, hier, et portant la signature du bâtonnier Abdelmadjid Silini, l'Ordre des avocats d'Alger annonce l'organisation de journées de protestation, dont les dates seront arrêtées ultérieurement par le conseil. Auparavant, ses membres tiendront une conférence de presse programmée ce mercredi au siège du tribunal Abane-Ramdane. Une série de griefs justifie la grogne des avocats de la capitale. Dans le communiqué, le conseil s'élève contre “la détérioration continue des conditions d'exercice de la profession”. Par ailleurs, il dénonce “le refus délibéré des organes concernés de la cour d'Alger de prendre en charge ses préoccupations légitimes et tendant à assurer la préservation et la sauvegarde des droits de la défense”. Enfin, le bâtonnat déplore l'existence d'“entraves” faisant obstacle à sa “détermination à asseoir des relations de concertation et de coordination” avec les services de la Cour de justice. En somme, c'est le fonctionnement même de l'appareil judiciaire et l'exercice du droit de la défense qui est remis en cause par la corporation. évoquant des “atteintes d'implications graves”, l'ordre des avocats d'Alger prend l'opinion publique à témoin. La présence de M. Perben, qui, en principe, doit rencontrer le bâtonnier Silini, aujourd'hui, est également mise à profit pour médiatiser le marasme dans lequel se débattent les Robes noires. Maître Mohand Issaâd, ancien président de la Commission nationale de la réforme de la justice (CNRJ) est doublement interpellé. Dans son rapport, il avait sérié la totalité des problèmes auxquels il est confronté comme l'ensemble de ses confrères, dans l'exercice de sa profession. D'origine bureaucratique, ces difficultés rognent, selon lui, les prérogatives des défenseurs et compliquent leur mission. Plus de quatre années après la publication des conclusions et des recommandations de la CNRJ, il constate que les choses n'ont pas changé, mais se sont aggravées. “L'exercice de la profession d'avocat est très difficile dans ce pays, car il y a des problèmes pendants qui engendrent d'autres problèmes”, explique Me Issad. Désapprouvant “la gestion quantitative des dossiers”, il s'élève également contre les lenteurs judiciaires. “Chez les avocats pénalistes, c'est encore plus ardu. Ils peuvent être convoqués pour un procès programmé dans la matinée alors que l'audience ne se déroule que dans l'après-midi. Il y a des pourvois dont les dates sont très éloignées”, explique l'avocat. Maître Benissaâd, de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'Homme (LAADH) est du même avis. à son tour, il dénonce le mépris dont font l'objet les avocats. à titre d'illustration, une entrevue avec le juge d'instruction est devenue un privilège. En outre, la mise en place d'un guichet pour le retrait des copies des jugements et des permis de communiquer avec les clients en détention, n'est pas du goût de Me Benissaâd qui assimile, également, cette nouvelle pratique à de la bureaucratie. “La justice relève du service public. En tant qu'avocats, nous sommes ses premiers utilisateurs au profit des justiciables. à ce titre, nous devons être associés à toutes les décisions et les modes de gestion le concernant”, a-t-il revendiqué. S. L.