Evoquant la “polémique” sur les massacres du 8 Mai 1945, le ministre a affirmé qu'il appartient aux deux parties, algérienne et française, de s'exprimer en toute liberté. Dominique Perben a clos, hier soir, la première journée de sa visite à Alger par un point de presse qu'il a tenu à la résidence de l'ambassade de France. Revenu sur la polémique suscitée ces derniers jours par le président Abdelaziz Bouteflika autour des massacres du 8 Mai 1945, le ministre français de la Justice s'est contenté de répéter les propos de Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères en déplacement mercredi dernier dans notre pays. “Le devoir de mémoire s'impose à tous. Quelquefois la démarche est difficile, mais elle doit se faire dans la liberté des uns et des autres en terme d'expression et en commun avec l'aide des historiens”, a soutenu le garde des Sceaux de l'Hexagone. Son interpellation par les journalistes sur d'autres questions cruciales liant les deux pays a fait l'objet de réponses tout aussi diplomatiques. À la question de savoir le contenu de la coopération judiciaire algéro-française dans le cadre de l'enquête sur l'affaire Khalifa, il s'est suffi à dire que “les procèdures normales de demandes d'informations — par la justice algérienne ndlr — sont formalisées et obtiennent des réponses”. “En tant que ministre de la Justice, je n'interviens pas”, a-t-il renchéri. En matière de lutte contre l'immigration clandestine, M. Perben a défendu le plan de son collègue De Villepin, ministre de l'Intérieur en traduisant son “effort à rationaliser les moyens dans un souci d'humanité”. À propos de terrorisme, il a fait part d'une réflexion bilatérale sans l'évocation de cas particuliers. Le ministre français de la Justice a entamé sa visite dans la matinée par un entretien avec son homologue algérien, Tayeb Bélaïz. En lieu et place de la conférence de presse qu'il devait tenir à la fin de cette entrevue, Dominique Perben s'est contenté de lire une déclaration solennelle dans laquelle il a fait valoir la consolidation du partenariat entre les chancelleries des deux pays, suite au voyage effectué à Paris par notre garde des Sceaux en décembre dernier où les deux parties “ont esquissé les éléments principaux de la coopération judiciaire au plan civil et pénal” ainsi que le projet de “jumelage des juridictions”. L'hôte de Bélaïz a mis en évidence l'association des professionnels du secteur au raffermissement de cette collaboration, à la fois en tant que partenaires et bénéficiaires. De son côté, M. Bélaïz, au cours de son allocution de bienvenue, s'est félicité de “l'intérêt porté par le gouvernement français aux réformes institutionnelles que l'Algérie mène actuellement”, intérêt qui est également “le signe de l'amitié sincère liant les deux pays”. Concrètement, le déplacement de M. Perben à Alger se matérialise par la signature de trois accords sur la formation (de magistrats, de greffiers et de cadres de l'administration pénitentiaire) et le jumelage de huit juridictions. Par ailleurs, le garde des Sceaux hexagonal s'est enquis des besoins de la justice algérienne, à travers ses rencontres au siège de la Cour suprême avec de hauts magistrats, dont le premier président de cette institution est la présidente du Conseil d'Etat, ainsi qu'avec le bâtonnier d'Alger et enfin le président de la Chambre nationale des notaires qu'il a reçu à la résidence de l'ambassade de France en fin d'après-midi. Auparavant, M. Perben s'est rendu à l'Ecole nationale de la magistrature où il a animé une conférence-débat. Très amène, il a confirmé le soutien de son pays à l'Algérie et son accompagnement sur le chemin du progrès et de la démocratie. “Nous sommes à vos côtés”, a lancé le ministre devant les élèves magistrats et les membres de sa délégation, dont le directeur de l'administration pénitentiaire, le président de la Chambre des notaires et le bâtonnier de Paris. Valorisant les liens étroits entre les deux pays et “le partenariat d'exception” initié en commun, il a argué du fait qu'“il ne peut y avoir d'indifférence entre nous”. “Ce qui vous touche, nous touche”, a assuré M. Perben. La France, dira-t-il, était tout autant affectée par les épreuves de l'Algérie face au terrorisme, devant sa “capacité à restaurer la République”. Dans le domaine purement juridique, il a affirmé avoir vivement félicité son homologue algérien, lors de son dernier déplacement à Paris sur “l'audace et l'ampleur des réformes”, engagées ici en dépit de “résistances” qui, comme ailleurs, sont inévitables. Voulant éviter à tout prix de passer pour un donneur de leçons, le ministre de Raffarin se défend de vouloir exporter les “schémas” français chez nous. En revanche, il souligne une convergence d'objectifs, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme où “l'échange des expériences” est privilégié par les deux rives de la Méditerranée. Dans le secteur économique, l'adaptation de la législation algérienne servira à son avis à intégrer l'Algérie dans le commerce international et mettre fin aux pratiques, comme la corruption, qui freinent l'arrivée des investisseurs. Aujourd'hui, M. Perben devrait se rendre à la cour de Blida avant de s'envoler pour Bordeaux. S. L.