Une foule des grands jours a pris part, hier, à la marche populaire organisée à l'occasion de la célébration du 38e anniversaire du Printemps berbère d'Avril 1980 qui intervient, cette année, dans un contexte où les autorités politiques du pays tentent à tout prix de faire sortir la cause identitaire de son cadre revendicatif pour la mettre entre les mains des seuls spécialistes sous prétexte qu'il n y a plus rien à revendiquer après l'officialisation de la langue amazighe. Comme à l'accoutumée, le point de départ de la marche a été fixé à l'entrée de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou vers laquelle les partisans indépendantistes et autres militants de la cause berbère commençaient à converger par petits groupes depuis déjà 9h. Outre les militants séparatistes du MAK-Anavad, dirigé par Ferhat Mhenni, et de l'URK, dirigé par Bouaziz Aït Chebib et Hocine Azem, ainsi que des autonomistes du RPK, dirigé par Hamou Boumediene, d'anciennes figures du Mouvement berbère, à l'instar de Mouloud Lounaouci, Abbout Arezki, Rachid Aït Ouakli, Mohamed Aït Abdellah et aussi le chanteur Zedek Mouloud, arrivent sur les lieux. La marche ne débute, toutefois, pas à l'heure prévue. À 11h, la place est noire de monde. "Une prouesse pour une marche qui a lieu un vendredi", fera remarquer un manifestant, à peine audible en raison de la puissante sonorisation placée depuis la matinée et qui diffusait toujours, à forts décibels, des chansons de Matoub Lounès, de Ferhat Mhenni et d'Oulahlou. La présence policière s'est faite discrète et aucun dispositif officiel n'était visible dans les parages. "De nombreux militants sont arrêtés et d'autres empêchés par les forces de répression sur les routes !", dénonce, toutefois, un jeune militant à l'aide d'un mégaphone. Selon des recoupements d'informations, des barrages filtrants sont placés sur toutes les routes menant vers Tizi Ouzou. "Sur la route de Beni Douala, une file de véhicules s'est formée sur plus de trois kilomètres. Les services de sécurité les ont empêchés de rallier la ville, et les papiers ont été confisqués aux transporteurs de voyageurs auxquels il est reproché d'avoir travaillé aujourd'hui", nous explique un homme, la cinquantaine. "De Bordj Menaïel jusqu'à Draâ Ben Khedda, une seule voie est laissée ouverte à la circulation, et les nombreux points de contrôle instaurés sur ce tronçon procédaient à des vérifications, parfois avec une liste en main", témoigne un autre militant venu d'Alger. La marche s'ébranle finalement à 12h tapantes. En l'absence de policiers en uniforme, un groupe de jeunes manifestants, portant des gilets orange, s'occupait de la régulation de la circulation sur l'itinéraire de la marche. Sous une chaleur suffocante, la foule, revêtue de jaune et vert, et jaune, bleu rouge, arpentait l'avenue longeant l'enceinte du stade du 1er-Novembre. Des centaines de portraits du défunt chanteur Matoub Lounès sont arborés par les marcheurs. Après une minute de silence observée en arrivant devant le CHU Nedir-Mohamed de Tizi Ouzou, la marche poursuit son itinéraire, en empruntant le boulevard Abane-Ramdane, jusqu'à la placette de l'ex-mairie de Tizi Ouzou où, après l'habituelle prise de parole, la foule s'est dispersée dans le calme, vers 14h30. Samir LESLOUS