Alors que la mosquée d'Al Azhar, plus haute autorité musulmane, a qualifié l'acte des militaires américains de “très grand crime”, le 27 mai prochain a été décrété “journée de protestation générale” par des associations musulmanes. La grogne dans le monde musulman risque de prendre des proportions incommensurables au fur et à mesure que les réactions des associations d'oulémas sont enregistrées. Ainsi, 500 membres du clergé musulman afghan et chefs tribaux ont menacé d'appeler au djihad contre les Etats-Unis si Washington ne traduisait pas devant la justice les auteurs de la profanation du Coran à Guantanamo. De son côté, les dirigeants d'une importante organisation religieuse pakistanaise a affirmé que la majeure partie des associations musulmanes du monde s'est entendue pour faire du 27 mai prochain une journée de protestation générale en signe de contestation contre ce qui s'est passé dans la base militaire US située à Cuba. Après un long silence, la plus importante autorité musulmane sunnite a réagi de façon virulente. Le cheikh Mohammed Sayed Tantaoui, de la mosquée d'Al Azhar, a estimé que “la profanation du Coran est un très grand crime sur lequel il ne faut pas rester muet”. Tout en refusant de publier un communiqué à ce sujet pour “ne pas s'abaisser au niveau des auteurs présumés”, Tantaoui a insisté pour qu'ils soient sanctionnés sévèrement. Idem pour le grand mufti d'Egypte, cheikh Ali Gomaâ, qui a condamné sans réserves ce qui s'est produit à Guantanamo : “C'est un crime impardonnable à l'égard des religions monothéistes qui appellent leurs fidèles au respect des valeurs sacrées des autres religions.” En Afghanistan, où les plus violentes manifestations ont fait 15 morts, le président Hamid Karzaï a tenté d'apaiser les esprits en rappelant le rôle important des Américains dans le rétablissement de la paix dans ce pays. Le Conseil de coopération du Golfe, regroupant l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar, Oman et Bahreïn a exigé les “plus sévères punitions” contre les auteurs de la profanation. Dans un communiqué rendu public dimanche, il a estimé que “de tels actes sont de nature à alimenter la haine entre les religions, comme ils contreviennent aux efforts déployés par les Etats du monde pour jeter les ponts de l'entente et du dialogue entre les religions et les civilisations et pour assurer la paix et la sécurité”. La commission islamique, principale organisation représentant environ un million de fidèles, a condamné “l'affront fait à Dieu”, tout en estimant qu'une enquête américaine ne pourrait pas être impartiale. Pendant ce temps, les Etats-Unis, qui ont réagi tardivement, cherchent par tous les moyens à atténuer la portée des actes de ses militaires. Interrogé à ce sujet, la secrétaire d'Etat US aux Affaires étrangères a admis avoir attendu que des manifestations qu'ont connues de nombreux pays musulmans soient signalées par les ambassades pour ouvrir une enquête. Il a fallu des réactions violentes pour que Washington prenne au sérieux l'affaire, qui est loin d'être close, à voir les condamnations en chaîne qu'elle continue à susciter à tous les niveaux de la société dans les pays musulmans. L'Administration Bush est appelée à prendre des mesures convaincantes, dans l'espoir de réduire l'ascension du sentiment d'anti-américanisme depuis le déclenchement de la guerre contre l'Irak, outre le soutien inconditionnel apporté à Israël dans le conflit l'opposant aux Palestiniens. Enfin, Newsweek, qui a révélé l'information, s'est rétracté en mettant en doute la véracité des faits qu'elle a rapportés. Il n'est pas exclu que cette attitude ait été dictée par des pressions pour éviter un envenimement de la situation dans les pays musulmans. K. A.