"Ne vous laissez pas déposséder des débats sur les thèmes qui vous tiennent à cœur", a exhorté le conférencier. Le Dr Saïd Sadi a entamé, hier, depuis Ighzer Amokrane, dans la wilaya de Béjaïa, un cycle de conférences qui le mènera aujourd'hui à Seddouk et à Timezrit. Devant une salle archi-comble de la maison de jeunes d'Ighzer Amokran, l'ex-leader du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), invité par l'association des activités de jeunes Horizons d'Ouzellaguen, pour une conférence-débat autour du thème "Culture et résistance : enjeux et défis d'aujourd'hui", a affirmé que "tamazight est entrée par effraction dans les institutions de l'Etat algérien, puisque son officialisation est le fruit d'un long parcours mené par plusieurs générations, notamment celle d'Avril 1980, dont le combat fut persévérant et jalonné d'emprisonnements politiques, d'assassinats, d'exactions morales et physiques et autres intimidations...". Pour lui, la constitutionnalisation de la langue amazighe n'a pu échapper à la ruse des tenants du pouvoir, dès lors que celle-ci "ne fait pas partie des invariants inaliénables, contrairement aux deux autres constantes nationales, l'arabe et l'islam en l'occurrence". Le conférencier n'a pas manqué de rendre un hommage particulier aux jeunes animateurs du mouvement associatif de cette région de la Soummam, considérée comme "la plus féconde en termes de résistance et de combat depuis l'insurrection de Cheikh Aheddad, en 1871, en passant par la fameuse grève de neuf mois, observée en 1947 par les travailleurs d'une mine de fer, dans la tribu des Ath Yemmal (Timezrit), une action de protestation inédite qui avait fait plier l'administration coloniale, sans oublier l'organisation du Congrès de la Soummam, en 1956, à Ifri-Ouzellaguène, qui avait connu un succès retentissant". Sur sa lancée, Saïd Sadi, qui a toujours plaidé pour la réhabilitation du message de la Charte de la Soummam, a mis en exergue le courage et le dévouement de la population de cette région qui abrita les travaux de la fameuse rencontre d'Ifri qui a constitué un tournant décisif pour la guerre de Libération nationale. "Outre l'organisation logistique et sécuritaire, la population locale a tenu à garder secrète la présence à Ifri de la quasi-totalité des chefs historiques de la Révolution algérienne", a-t-il souligné. Revenant au combat de sa génération, notamment durant les années de plomb, l'orateur affirme que "nous avons collaboré avec Kateb Yacine qui croisait le fer avec Mouloud Mammeri. Cela dit, nous n'avons pas cherché les antagonismes, mais plutôt les acquis. C'est dire que nous avons toujours fait abstraction des querelles personnelles, et ce, dans le but de faire avancer la cause". Après avoir fait le rappel succinct des événements du Printemps berbère, le Dr Sadi dira que "c'est le mouvement d'Avril 1980 qui a finalement réveillé la mémoire des Amazighs de toute la région nord-africaine". Par ailleurs, l'invité de l'association Horizons d'Ouzellaguen mettra en garde contre "une stratégie d'étouffement des initiatives citoyennes visant à engager un débat sur des questions concernant leur avenir". Une stratégie, précise-t-il, concoctée au sommet de l'Etat pour "polluer le débat citoyen" et "faire dans la diversion". Il citera, à ce titre, le cas de la députée Naïma Salhi, qui a été, selon lui, actionnée par ses parrains du pouvoir en place. "Ne vous laissez pas déposséder des débats sur les thèmes qui vous tiennent à cœur", a-t-il conclu. Kamel Ouhnia