Le destin d'Abou Djerra Soltani anime le débat dans la direction de son parti. Il retient aussi l'attention de l'opinion politique nationale réduite à contempler le mouvement de quelques personnages partagés entre la gestion de leur carrière et la défense des projets politiques qu'on leur a confiés. Le MSP est membre de la coalition gouvernementale, mais ses dirigeants, acquis depuis six ans à cette alliance, s'émeuvent de la nomination de leur président à un poste de ministre d'Etat. Ce qui est stratégique — la participation du Hamas au gouvernement —, a été parfaitement assumée probablement en raison des avantages politiques et pratiques de l'entrisme ; mais ce qui n'est que symbolique — l'enrôlement du premier responsable du parti islamiste dans l'équipe gouvernementale — est décrié par une large frange de ses collaborateurs. Cette réaction révèle ce qui a toujours caractérisé le rapport du MSP au pouvoir : une démarche de duplicité qui consiste à s'associer au pouvoir, à assumer le programme de ce pouvoir et à garder le maximum de signes d'autonomie, voire des gages d'opposition pour les jours où il faudra renier sa responsabilité dans l'état du pays. C'est tellement confortable d'exercer le pouvoir et de profiter de ses privilèges politiques et administratifs sans avoir à en endosser les responsabilités. Ainsi, le MSP aura fourni des ministres au programme de Bouteflika ; mais son chef resterait indemne de ce rapprochement. Même cette approche paraît bien être celle du Hamas : Abou Djerra Soltani n'a pas, pour cette fois-ci, résisté à la proposition. Qu'il n'ait pas été dissuadé par ses collaborateurs ou qu'il ait été persuadé par ses alliés importe peu. Seul compte de savoir s'il s'agit d'un changement d'option du MSP qui, enfin, accepte de revêtir le statut de parti du pouvoir. La tempête qui marque le siège vide d'Abou Djerra au parti n'est peut-être qu'une passagère saute d'humeur en direction d'une base dont on ignore, aujourd'hui, la consistance. Bien avant lui, Boukrouh avait débarqué du PRA pour embrasser une carrière de ministre qu'il était difficile de rattacher à l'évolution ultérieure de sa formation politique. Chacun a continué son expérience. Cela est d'ailleurs vrai pour toutes les formations politiques. Faute de vie publique, la seule évaluation dont elles disposent, en plus de leur agrément, tient à l'intérêt que leur porte le pouvoir en place. Comme la vie politique, les hommes tracent leurs itinéraires individuels en dehors des hypothétiques parcours de leur formation politique. Il y a moins d'incertitude à piloter son destin personnel qu'à anticiper sur le destin d'un parti. Et si les ambitions individuelles se libèrent ainsi des projets collectifs, c'est qu'il y a un consensus en formation : c'est la fin des idéaux partagés. Le chacun pour soi a vaincu. M. H.