Entre “amateurisme” politique et “ambitions” personnelles ou partisanes, Abou Djerra Soltani est devenu, du jour au lendemain, et aux yeux de tous, la “brebis galeuse” du gouvernement. S'agit-il pour autant d'une crise au sein de l'Exécutif et existe-t-il toujours une “cohésion” gouvernementale ? Crise au sommet ou pas ? La question est sur toutes les lèvres. La réponse cinglante du président de la République et les commentaires du Chef du gouvernement et du ministre de la Justice, à l'encontre du président du MSP, néanmoins ministre d'Etat, et membre de l'alliance présidentielle, mettent en relief un certain malaise au sein de l'Exécutif. Ce qui ouvre la brèche à bon nombre d'interrogations, notamment sur la cohésion actuelle du gouvernement. Les déclarations d'Abou Djerra Soltani ont jeté un “froid” dans ses rapports avec ses collègues du gouvernement. Certains ministres, et ils sont plus nombreux qu'on ne le pense, se sont sentis “blessés”, voire “insultés” par les propos du patron du MSP. La pilule a un goût “très acide”. Les commentaires ne manquent pas dans ce cadre pour illustrer on ne peut mieux la “rancœur” des membres du gouvernement à l'égard de celui qui est considéré aujourd'hui comme étant la “brebis galeuse”. Celle qui “jette l'opprobre sur les autres en général, mais qui ne va pas au fond des choses”, dixit un ministre de la République. Et c'est cela précisément ce que les ministres et le Président reprochent à Abou Djerra Soltani. “Ce n'est pas de la politique ça. Où alors elle remonte à l'antéchrist. Des choses aussi graves, on ne vient pas les balancer comme ça à l'opinion publique. ça se traite avec de la rigueur, de la retenue, du sérieux. On ne peut pas jouer avec la corruption ni avec la stabilité et l'image du pays. Barakat”, estimera un ministre. Le son de cloche est le même chez un autre membre du gouvernement et qui est lui issu d'une autre formation politique. “Il dit qu'il a des noms, des dossiers, qu'il les montre au lieu de parler. Être au pouvoir et critiquer le pouvoir, c'est un peu fort. Il y a un problème quelque part”, dira-t-il. Pour un autre ministre, le chef de l'Etat a remis les choses dans leur contexte avec sa “franchise habituelle” en demandant indirectement à Soltani d'assumer ses déclarations. “Il y a eu un dérapage que le Président n'a pas laissé passer. Le ministre est allé loin en disant qu'il est au courant des affaires de corruption, qu'il a les noms et les dossiers mais sans approfondir pour autant. Les gens déduiront automatiquement qu'il y a un blocage quelque part et celui-ci proviendrait du chef de l'Etat. C'est pour cela que le Président a fait la mise au point en lui demandant publiquement d'assumer ses dires. C'est à l'opinion après de juger”, précisera ce ministre. Un avis partagé par nombre de ses collègues. “Le Président a raison. Soit il fait partie de l'équipe, et il assume. Soit il n'en fait pas partie et dans ces conditions, il quitte le gouvernement. Mais salir la Réputation, des gens comme ça, ce n'est pas possible”. À ce niveau-là, l'attitude d'Abou Djerra Soltani est assimilée à de “l'amateurisme” politique. “Tout ce qu'il a réussi à faire, c'est d'avoir un effet contreproductif d'autant plus grave que le Président en premier puis le gouvernement l'ont mis au pied du mur. Soit il va jusqu'au bout de ses dires et il transmet les dossiers qu'il prétend détenir, soit il quitte l'Exécutif”, relève-t-on. Si le feu est nourri à l'encontre du ministre d'Etat, il n'en est pas de même en ce qui concerne l'existence d'une crise ou d'une absence de cohésion au sein du gouvernement. “Parler de crise est un peu fort. C'est lui qui s'est démarqué pas le gouvernement. Mais je ne pense pas qu'il y ait de problème. Les ministres issus de son parti sont toujours au gouvernement. Il n'y aurait plus de ministres du MSP, là on pourrait parler de crise”, relèvera un membre du gouvernement. Selon un autre ministre, “la cohésion existe sur les grands axes, pas forcément sur les idées politiques”. Mais il n'y a pas lieu, pour lui, de parler d'absence de cohésion totale. Celle-ci se fait autour du programme présidentiel que le MSP au même titre que le FLN et le RND ont adopté. L'heure n'est pas, selon un ministre, à la polémique. Le gouvernement passe avant tout. “Il a dit ce qu'il voulait dire. Il a eu une réponse à laquelle il ne s'attendait pas. Maintenant c'est à lui de voir. Pour le reste, il y a un programme, un travail à poursuivre”. Un avis qui revient à chaque fois. “Nous sommes des ministres de la République. Et je crois que c'est le plus important”, précisera un ministre. Selon un autre, les propos d'Abou Djerra Soltani ne sont pas forcément partagés par tous au sein même du MSP. “Ce n'est pas parce que le chef a parlé, qu'au sein du parti tout le monde partage son avis”, dira-t-il. D'autant que beaucoup de ministres ne voient dans la sortie du président du MSP que des visées électorales voire “électoralistes”. “C'est de la politique politicienne. Il a fait dans le populisme pour la salade interne. C'est une marque de fabrique des partis islamistes, mais le sujet est plutôt mal choisi. C'est trop grave pour jouer avec”, précisera un ministre. La sortie du président du MSP, si elle ne met pas à mal la cohésion gouvernementale, ne réduit pas moins celle de l'alliance présidentielle. Si à en croire une majorité de ministres, il n'y a pas de crise au sein de l'Exécutif, l'alliance, elle, risque de partir si ce n'est déjà fait des ambitions électorales des uns et des autres. La dernière sortie d'Abou Djerra Soltani n'arrangeant certainement pas les choses. Une affaire à suivre… Samar Smati