De l'Etat rentier à l'Etat commerçant, il n'y avait qu'un pas, que le gouvernement Ouyahia a désormais franchi. Les tarifs des nouveaux documents biométriques annoncés par le gouvernement et contenus dans l'avant-projet de loi de finances complémentaire pour l'année 2018 continuent de susciter polémique et controverse. Après les réactions indignées des citoyens sur les réseaux sociaux, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Noureddine Bedoui, interrogé, samedi, par la presse, en marge d'une rencontre autour du plan de lutte contre les feux de forêt, s'est montré peu sûr de son sujet. Son propos est, de surcroît, en net décalage par rapport aux certitudes de son Premier ministre Ahmed Ouyahia qui, deux jours auparavant, dans une note publiée sur le portail du Premier ministère, parlait des nouvelles taxes sur les documents biométriques comme si c'étaient des mesures arrêtées et non éligibles à amendements. En effet, alors qu'Ouyahia a affiché un ton ferme, Bedoui a choisi, lui, d'évoluer sur une position moins tranchée. Le ministre de l'Intérieur a affirmé que les nouvelles taxes "sont toujours en phase d'étude au niveau du gouvernement" et qu'il ne s'agit, en définitive, que de propositions. "Les nouveaux tarifs de délivrance des documents biométriques sécurisés sont toujours au stade d'examen et d'étude de comparaison avec les expériences des autres pays", précisant que son département "s'attelle à la présentation de toutes ces données et à l'examen de l'ensemble des propositions en collaboration avec le ministère des Finances au niveau du gouvernement". Donc, à en croire M. Bedoui, aucune décision n'est prise, contrairement aux affirmations d'Ahmed Ouyahia à ce sujet. "La loi de finances complémentaire 2018 n'a pas encore été promulguée pour parler des nouvelles taxes", a asséné M. Bedoui, ajoutant, toutefois, que "les processus de numérisation, de modernisation et de développement ont un coût". Le ministre de l'Intérieur a indiqué, dans ce sens, qu'"il n'y a aucun mal à procéder à l'étude de la valeur financière de ces documents biométriques sécurisés". Un membre du gouvernement ne devrait pas parler ainsi, à plus forte raison le ministre directement concerné par le dossier. Car, le contenu de l'avant-projet de LFC-2018 est censé avoir été déjà discuté, puisque validé par la réunion du gouvernement. Il ne se comprend pas que Bedoui parle, après coup, d'"étude de la valeur financière de ces documents biométriques sécurisés". C'est censé être fait avant. À moins que le propos n'augure d'un éventuel recul. Quoi qu'il en soit, la discordance au sein du gouvernement est patente. Le Premier ministère avait présenté, la fin de la semaine passée, des explications sur les nouveaux tarifs relatifs à la délivrance des documents électroniques, dénonçant "des fuites organisées sur l'avant-projet de loi de finances complémentaire pour l'année 2018", afin d'alimenter "la spéculation et, parfois même, les fausses informations sur les nouveaux tarifs de délivrance des documents électroniques". Confronté à la crise financière qu'il n'a pas su éviter, le gouvernement s'est retrouvé à faire payer cher aux citoyens, y compris des documents d'identité. Il fait même du commerce, puisqu'il calcule, vend la carte d'identité et le passeport plus chers que leur prix de revient. Parfois excessivement plus cher. Cette niche fiscale que le gouvernement lorgne ne va pas enrichir le Trésor public mais va éprouver les citoyens les plus démunis de manière assez dure. De l'Etat rentier à l'Etat commerçant, il n'y avait qu'un pas, que le gouvernement Ouyahia a désormais franchi. Mohamed Mouloudj