L'engourdissement qui touche la vie publique a éradiqué les foyers de contestation et neutralisé les sources de proposition. Les forces islamistes seules ne désarment pas encore. Aux sens propre et figuré. On peut le constater à chaque fois que le pouvoir ose une initiative suspecte d'une avancée moderniste. Les maigres accommodements portés au code de la famille avaient, on s'en souvient, suscité la riposte de toutes sortes de ligues conservatrices. Partis, associations et autres fondations gardiennes de l'ordre théocratique étaient partis en campagne contre le timide amendement. C'est, actuellement, au tour du ministère de l'Education de subir la contre-offensive intégriste au sujet de la réforme des filières post-fondamentales. Enjambant la problématique de la spécialisation précoce qui justifie cette mesure, les islamistes dans tous leurs compartiments s'élèvent contre l'apostasie pédagogique dont Benbouzid se serait rendu coupable. Des étudiants de l'Institut islamique, au MSP et à El-Islah, on sonne le branle-bas : la foi est en danger. Et comme à son habitude, le fondamentalisme ne s'embarrasse point d'honnêteté intellectuelle : la confusion délibérée entre la filière et la matière fonde leur émoi. Il crie à la suppression de l'éducation islamique pour contrarier la suppression de la spécialité charia au lycée. Rien ne semble déranger nos doctes vigiles dans la décision de déspécialisation du secondaire. Ni son principe ni l'abolition d'autres subdivisions pédagogiques. Ils s'apitoient sur le seul sort de “leur” filière. Même l'institution officielle du HCI revendique soudain le droit de regard sur la réforme, clopinante, du système éducatif. Ainsi, l'autorité éducative ne devrait s'exercer que sur les matières séculières, l'éducation religieuse revenant à toutes ces autorités cultuelles autoproclamées qui se disputent la formation de la conscience de nos enfants. Mais cette hégémonie bigote, et néanmoins idéologique, sur les réformes d'Etat correspond à l'état des rapports de force politique. La démarche de concorde civile, qui consiste à satisfaire toutes les exigences des islamistes pour qu'ils cessent de nous tuer, a induit une espèce de boulimie dans leur comportement politique : toujours plus. D'autant que tous les contrepoids universalistes ou modernistes à leurs revendications ont été laminés. C'est donc l'option du pays qui a fini par l'assujettir au chantage islamiste. Les réformes, elles, contrarient les desseins intégristes, deviennent une “provocation”, selon leur propre terme. Il n'y en a plus que pour eux. Et leurs désirs sont des ordres parce qu'on l'a voulu ainsi et parce qu'on a décidé que la paix, la concorde et même le développement en dépendent. M. H.