Désormais, le navire Bouteflika chavire. Les clignotants sont au rouge pour l'artisan de l'humiliante et déroutante politique réconciliatrice et réhabilisatrice des ennemis de toutes les valeurs humaines. Le contingent d'interdits imposés aux chouyoukh islamistes indispose sérieusement le président Bouteflika qui voit son schéma “concordien” amputé d'une figure déterminante dans la recherche du rapport de force et du soutien intégriste souhaités. C'est le début de la fin d'une entreprise de “récupération-appropriation” d'un mouvement insurrectionnel qui ne demandait que ça. Abassi et Benhadj sont privés de leur agitation coutumière. Il est vrai qu'il leur reste les circuits souterrains et le personnel interposé pour exprimer leur silence criminel. Tout comme il reste quelques rusettes, à Bouteflika, exploitables au moment opportun. Des mesures restrictives amplement justifiées par la virulence des mis en cause et leur aptitude à exacerber le désespoir, à fabriquer des kamikazes, à instrumentaliser les masses incultes, à commanditer les assassinats collectifs, à diligenter les caravanes macabres et à profiter de la vulnérabilité de l'espèce humaine amoindrie et frustrée. Une ambition, donc, inachevée pour le migrant usurpateur et promoteur des mesquineries politiques dont les permissivités à l'endroit des islamistes, les compromissions avec l'intégrisme et les errances cycliques mégalomanisées ont fini par traumatiser les défenseurs de la République. Il n'y a pas lieu à spéculations et à interrogations sur les motivations ayant présidé à cette attitude aussi tranchée des recruteurs de Bouteflika. Conviction républicaine ou simplement crainte d'un revirement de situation et d'une décapitation publique, qu'importe le justifiant. Il n'en demeure pas moins que cette nouvelle donne ébranle l'opportunisme islamiste, freine les élans rétrogrades des uns et tempère les incertitudes des autres. Bouteflika se retrouve piégé par sa propre ambition, lourdement désemparé à l'approche de l'élection de 2004. Un jeton qui vaut son pesant d'or vient de lui échapper à quelques mois seulement du terme de son mandat désespérant. Une carte maîtresse très monnayable en ces temps de fièvre partisane, de dobermans enragés et de pollution politique asphyxiante. Cette lumineuse ligne rouge imposée par les concepteurs du moins mauvais, à leur poussiéreux pardessus, vient remettre les esprits égarés à l'heure du temps réel, de la vision nocturne, des grands défis qui nous attendent et des écueils à surmonter pour la réalisation de la complexe tâche du redressement sécuritaire. Faut-il s'en réjouir ? Le système étant trop pourri pour se permettre un moment de délice, la raison commande la prudence, la sagesse suggère la patience. Gracier des égorgeurs d'enfants, accepter la repentance sans le préalable de la sanction pénale relèvent de la pathologie criminelle. Du statut de maquisard intégriste à celui de bon citoyen républicain, il n'y a que la grâce bouteflikienne pour réussir un tel exploit. Le culte de l'apparence conduit, inéluctablement, au pouvoir de violence et engendre systématiquement un trouble du comportement qui se répercute sur la capacité de faire intégrer la rationalité dans la perception des évènements et la charge des dossiers vitaux. C'est ce comportement qui explique, pour une large partie, les mystères et les contradictions qui ont entouré, jusque-là, la gestion de l'ordre public et le traitement du volet sécuritaire. Il faudrait, par ailleurs, s'attendre, les mois à venir, à un sursaut d'orgueil terroriste. Une contre-réaction prévisible. Avec le temps, on apprend à connaître l'adversaire et ses gesticulations meurtrières conjoncturelles. Même les deux chouyoukh, dont le silence rentre dans l'ordre tactique, reprendront probablement du service à leur manière. Quoi qu'il en soit, privé de son parapluie politique, le terrorisme fondamentaliste voit ses chances de survie s'amenuiser, graduellement. Il finira par s'autodétruire pour peu qu'on ne continue pas à lui tendre la main comme le fait le pouvoir actuel. Un pouvoir dont la volonté de casser de l'antiterroriste s'est, dès l'investiture de Bouteflika, manifestée par une tendance à justifier le fait islamiste armé et à substituer aux avantages de la raison et de la lumière les inconvénients du tort et de l'obscurantisme, dans le but de réussir une prouesse et une promesse impossibles. Un travail de sape a été entrepris et entretenu avec une habilité digne de la haute diplomatie traîtresse, afin de troubler les esprits, justifier l'injustifiable et baliser le terrain pour un contrôle psychologique du pôle démocratique et des forces de défense républicaines. L'objectif majeur visé consistait en une démoralisation des troupes et, par ricochet, un affaiblissement de la résistance citoyenne qui commençait à gêner et à inquiéter, considérablement, les rentiers de la guerre et à fausser les calculs du clan présidentiel fraîchement installé pour une durée indéterminée. Pour Bouteflika, un terrorisme vaincu par les armes, c'est une ambition inachevée, une perte sèche de dividendes politiques, un avenir incertain pour celui qui a toujours considéré l'électorat islamiste comme une pièce incontournable, un réservoir inépuisable et une alliance éternellement féconde. La ruse allait aboutir. Mais, c'était compter sans cette poignée de galonnés qui, vénérant de nombreuses années le mutisme, se sont, heureusement, rappelés, soudainement, les vertus de la parole réconfortante et de l'initiative rassurante. L'offensive contre les maquis terroristes qui s'en suivit a réhabilité le combat démocratique et tonifié les défenseurs de la République. Mais cela demeure à nos jours insuffisant. Le temps n'est plus, donc, à l'attentisme et à l'agitation improductive. Surtout que l'on vient d'apprendre par le président du Comité pour la vérité et la justice dans le quotidien Le Matin (édition du 7 du mois en cours) qu'un accord est intervenu entre le Président et les deux chefs islamistes libérés, pour une re-légalisation de l'ex-FIS. C'est dire le degré de pourrissement qu'entretient le pouvoir dans le seul but de prolonger le séjour d'un individu, reproduire le même système et renforcer les réflexes criminels qui assurent le succès aux parrainages mafieux. Devant l'immoralité de la démarche, la nuisibilité de la conséquence et la dangerosité de la perspective, peut-on couvrir de quelque honorabilité et parer de quelque respectabilité un Président qui personnifie la négation la plus absolue, le règne le plus ahurissant et la présence la plus suspecte ? Bouteflika est de ceux qui se servent de la dimension spirituelle de l'intégrisme religieux, pensant qu'elle autorise toutes les permissivités, justifie toutes les arrogances et constitue la piste la mieux indiquée pour une entreprise de séduction électoraliste qui s'annonce à haut risque. Les espaces de liberté consentis à l'intégrisme et le discours empreint de tolérance et de tendresse à l'égard du chef du GSPC participent de cette volonté de contrecarrer le débat démocratique, mettre au pas une presse indépendante extirpante, étouffer les initiatives libératrices et surtout porter un coup fatal au processus de lutte antiterroriste. Ce n'est que devant l'intransigeance internationale en matière de lutte contre la violence fondamentaliste et l'islamisme radical que le discours présidentiel a changé de teneur. Ce qui ne trompe plus personne, notamment les chancelleries étrangères dont le regard sur la gestion interne du terrorisme est trop perçant pour laisser s'échapper la moindre nuance hypocrite ou gesticulation intéressée. On s'attendait à une avancée démocratique, on se retrouve en pleine oligarchie bouteflikienne où l'odieux coudoie l'ignoble et le repoussant épouse l'infect. Il est grand temps de se débarrasser de ce ramassis de binationaux, de ces tortionnaires de moudjahidine, de cette fratrie rapineuse, de ces nouveaux parvenus et affairistes véreux, de cette masse de proxénètes politiques qui piétinent notre dignité, bradent notre patrimoine, se partagent nos richesses, brisent notre jeunesse, écartent nos compétences et enterrent notre idéal. La tâche revient à tous ceux qui font du droit à la vie, du respect de la dignité humaine et des libertés, de la préservation des intérêts suprêmes de la nation, une priorité vitale pour une société en nette décomposition depuis l'arrivée des Bouteflika, Zerhouni, cousins, proches, parents, amis, associés, voisins, anciens collègues, maîtresses, amis perdus de vue et retrouvés… Le combat devra être mené sur le double plan. Celui de la lutte antiterroriste et celui de la lutte contre l'intégrisme, sous toutes ses formes et subtilités, notamment contre cette main qui le nourrit, le dorlote et le protège. Il va sans dire que le méfait terroriste n'est que le passage à l'acte de l'intégrisme religieux désemparé ou rassuré. Dans notre cas, nous avons affaire à un terrorisme politico-religieux soutenu et encouragé par la haute hiérarchie civile. Peut-on, dans ces conditions, éradiquer l'un sans combattre l'autre ? Il ne faut surtout pas se contenter de mesures ponctuelles ou contre-productives. L'approche solutionnante devra être globale et englobante, au moment où, sous l'influence et la pression étrangères, même les Etats voyous se retrouvent contraints d'abandonner leur soutien aux groupuscules terroristes et leur permissivité à l'égards des commanditaires intégristes. Se débarrasser de Bouteflika, c'est neutraliser l'intégrisme, réduire le terrorisme à une simple nuisance qui peut être éradiquée à moyen terme. Il est impératif de préserver notre avancée sur le terrain de la lutte antiterroriste, afin d'éviter les surprises. Les moyens existent. La volonté des éléments des forces de l'ordre s'affirme au quotidien. Les services de renseignements du DRS (ex-Sécurité militaire) font un excellent travail. Le discours de la chefferie militaire est rassurant pour le moment et la conjoncture internationale encourageante. Il serait, pour le moins, indécent de douter, ne serait-ce qu'un instant, de l'incapacité de Bouteflika de conduire le pays vers la prospérité et la paix promises. Vers quelle fournaise aurions-nous été conduits si l'avenir de Bouteflika n'était pas derrière lui ? Alors, de grâce ! Un peu de pudeur politique, moins d'offense à la morale publique, un zeste de dignité et l'honneur de la République est sauvé Monsieur Bouteflika. Quand on a toujours bu à la source du vice, on ne peut s'épanouir que dans la vapeur du vin et nulle part ailleurs. K. Z. K. Z. :Ex-officier supérieur de la DGSN, responsable de la lutte antiterroriste