La sentence, à l'évidence sans appel, est prononcée quelques heures après que le DGSN s'est exprimé sur l'affaire des 701 kilogrammes de cocaïne saisis au port d'Oran. Coup de tonnerre dans le ciel déjà embrumé d'Alger : le directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), le général Abdelghani Hamel, a été relevé de ses fonctions, hier en fin d'après-midi. Il a été illico remplacé par le directeur général de la Protection civile, l'octogénaire Mustapha El-Habiri. Ce limogeage, des plus brutaux qui soient, a été annoncé par une dépêche aussi froide que concise de l'Agence de presse officielle (APS) : "Son Excellence, Monsieur Abdelaziz Bouteflika, président de la République, a signé ce jour deux décrets, le premier mettant fin aux fonctions de M. Abdelghani Hamel, en tant que directeur général de la Sûreté nationale, et le second portant nomination de M. Mustapha El-Habiri à la tête de la DGSN." Un petit paragraphe et une carrière donnée pour prometteuse s'écroule avec fracas. La sentence, à l'évidence sans appel, est prononcée quelques heures après que le DGSN s'est exprimé sur l'affaire des 701 kilogrammes de cocaïne saisis le 29 mai dernier au port d'Oran. Dans une déclaration à la presse, en marge d'une activité de la police à Alger, Abdelghani Hamel est longuement revenu sur cette affaire qui continue de défrayer la chronique. Et, son propos, ce jour, sonnait comme un avertissement lancé à la cantonade, mais qui devait cibler des personnes ou des institutions qu'il ne cite pas. Le DGSN a insisté pour dire : "On a confiance en la justice, on a confiance dans la probité des juges et dans leur professionnalisme", avant de regretter qu'il "y a eu des dépassements" durant la première instruction. Mais ce qui devait éveiller la curiosité dans sa déclaration, c'est lorsqu'il s'est fait particulièrement insistant pour souligner que "la police est déterminée à poursuivre son travail, à lutter contre la corruption... Celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre (il répète cette dernière phrase par deux fois, ndlr)". De qui le DGSN parlait-il ? On ne le sait pas. Mais il est clair que sa remarque, si tant est qu'il s'agit d'une simple remarque, visait quelqu'un. D'ailleurs, la suite de sa déclaration confirme davantage qu'il s'adressait bien à quelqu'un ou à une institution. Qu'on en juge : "Tous les dossiers en notre possession seront transmis à la justice... On ne peut pas arrêter une affaire comme celle-ci. L'institution policière ne peut l'arrêter, ni céder face aux allégations, menaces et manœuvres." Incidemment, ou volontairement, Abdelaghani Hamel alerte sur "des menaces" et des "manœuvres" dont la police ferait l'objet. Qui menacerait donc l'institution que dirigeait le général Hamel ? Pourquoi ? Autant de questions qui, peut-être, ne trouveront pas de réponses dans l'immédiat. Néanmoins, il s'en ressent, à travers la sortie du DGSN, qu'une guerre fait rage loin des feux de la rampe, et qui serait en relation avec l'affaire de la cocaïne. Auparavant, des fuites dans la presse ont évoqué l'implication de son chauffeur personnel dans l'affaire de la cocaïne. Au moment de ces fuites, Hamel se trouvait à l'étranger, aux états-Unis d'Amérique, où il prenait part au deuxième sommet des chefs de police. La Direction générale de la Sûreté nationale a réagi pour préciser que le chauffeur impliqué dans l'affaire n'était pas le chauffeur personnel de Hamel, mais un employé du parc de la DGSN. "Ces rumeurs sont l'œuvre d'individus qui ont des objectifs précis pour semer la zizanie au lieu de laisser la justice faire son travail, conformément à la loi", ajoutant que "l'acte du mis en cause est un acte individuel et isolé qui n'engage nullement son administration et la Sûreté nationale", est-il mentionné dans un communiqué rendu public. Hier, Hamel a parlé de manœuvres. Cela étant, ce que l'on pourrait supposer, avec une forte probabilité d'avoir vu juste, c'est que le renvoi du DGSN est en lien avec sa sortie publique, tant est que sa fin de fonction a été prononcée dans ce qui semble être une réaction à une situation urgente et grave. Cela apparaît dans la célérité avec laquelle il a été pourvu à son remplacement. Il apparaît aussi dans le profil de son successeur plus proche de la retraite que dans l'entame d'une nouvelle carrière. Mieux encore, contrairement aux us, la DGSN n'aura pas à souffrir d'un patron intérimaire, comme ce fut le cas à la mort d'Ali Tounsi, assassiné dans son bureau, le 25 février 2010. Il aura fallu attendre début juillet de la même année pour qu'Abdelghani Hamel prenne officiellement les rênes de la DGSN, mettant fin à quelque quatre mois d'intérim assuré, on s'en souvient, par Abdelaziz Affani, un ancien directeur de la Police judiciaire et réputé être un proche de Tounsi. Ce qui était déjà intrigant dans la nomination de Hamel, c'est que sa mise à la retraite en tant qu'officier supérieur de l'ANP est intervenue seulement quelques jours auparavant. Quoique sa nomination ait été controversée dans un premier temps, Hamel a fini par asseoir son assise à la tête de la police. Il a, sûrement, survécu à des coups bas. Il est même parvenu à s'abriter des terribles bourrasques qui se sont même levées et qui l'ont sérieusement menacé. On pense ici à la marche des forces antiémeutes (CNS), en octobre 2014, et en pleine crise dans la vallée du M'zab, Ghardaïa. Fait rarissime, pour ne pas dire unique dans l'histoire de la police algérienne, les CNS ont marché jusque devant le perron de la présidence de la République. Pour moins que ça, des responsables sécuritaires ont été débarqués. La survie de Hamel à cet événement était alors interprétée comme une marque de puissance. La chronique politique finira par s'intéresser à lui. Les médias ont vu en lui un potentiel successeur au président Bouteflika. Lui n'a rien fait pour démentir cette ambition qu'on lui prêtait. Peut-être était-il vrai qu'il lorgnait le palais d'El-Mouradia ? Sofiane Aït Iflis