La division bat son plein au sein de l'Union européenne avant l'ouverture de ce sommet crucial sur les migrants. Le traitement de la crise des migrants provoque des remous perpétuels au sein de l'UE et cela depuis l'adoption des règlements du Parlement européen et du Conseil européen n° 604-2013 du 26 juin 2013, plus connus sous l'appellation de "Règlement Dublin III". Cet accord, qui a institué un principe simple en théorie, à savoir que "le pays dans lequel a été formulée la demande d'asile est celui qui est chargé de son instruction et de la décision finale", pose désormais de nombreux problèmes en pratique. Ce sont la Grèce, l'Italie, et à un degré moindre l'Espagne, qui sont pénalisées par l'augmentation du flux de migrants venant d'Afrique ou du Moyen-Orient, notamment de Syrie en raison de la guerre, car c'est sur leurs côtes que les passeurs déposent les réfugiés. La politique de quotas prônée par certains pays de l'UE, particulièrement l'Allemagne et la France, a divisé encore davantage les rangs de l'Union. La création, y compris hors de l'Union européenne, de centres de débarquement de migrants secourus en mer, a accentué les divisions entre pays membres de l'UE. L'idée de tels centres de débarquement, qui suscite beaucoup de réticences et des doutes sur sa compatibilité avec le droit international, est inscrite dans un projet de conclusions du sommet européen aujourd'hui et demain à Bruxelles, dans un contexte de fortes divisions des pays de l'UE face à la pression migratoire. Hier, le Premier ministre albanais a catégoriquement refusé que son pays accueille les camps de migrants secourus en mer évoqués par l'Union européenne, arguant que ces migrants n'étaient "pas des déchets toxiques". "Nous n'accepterons jamais de tels camps pour réfugiés européens", ce qui reviendrait à "décharger n'importe où, comme des produits toxiques, des gens désespérés dont personne ne veut", a déclaré Edi Rama au quotidien allemand Bild. Pour rappel, la Tunisie et l'Albanie sont régulièrement évoquées comme de possibles pays susceptibles d'accueillir de telles plateformes, même si "pour l'instant aucun pays" tiers n'a manifesté sa volonté de les accueillir. Et pour allécher Tirana, les pays de l'UE se sont mis d'accord mardi à Luxembourg pour ouvrir les négociations d'adhésion avec l'Albanie et l'ex-République yougoslave de Macédoine en juin 2019, une décision toutefois assortie de nombreuses conditions sur la poursuite des réformes. Il s'agit ni plus ni moins que d'une manière de forcer la main à l'Albanie, mais le Premier ministre de ce pays semble peu enclin à marcher dans cette combine. Voilà des signes qui n'augurent rien de bon lors de ce sommet européen, qui n'aboutira qu'à un statu quo. En effet, si les Européens semblent d'accord pour renforcer la surveillance des frontières extérieures de l'UE, peu sont disposés à discuter du sujet du renvoi des migrants circulant à l'intérieur de l'UE dans le premier pays d'enregistrement, à commencer par l'Italie. Cette dernière, gouvernée par une coalition populiste, ne veut pas en entendre parler, alors que les pays d'Europe de l'Est réunis au sein du groupe de Visegrad ont réussi à enterrer les projets chers à la chancelière allemande de quotas de répartition des réfugiés. Merzak Tigrine