A la veille d'un Sommet européen qui s'annonce explosif pour l'UE, la Commission européenne n'a pas trouvé mieux que de réunir, quatre jours avant et sur proposition de la France et l'Allemagne, un mini-sommet sur la migration, boudé par d'autres membres de l'UE. Quelque chose d'incompréhensible, d'étrange et de révoltant à la fois dans le traitement de la question des migrants par l'Europe particulièrement et le reste du monde en général : croit-on sérieusement que la seule réponse aux vagues migratoires qui frappent aux portes des pays riches, donc de l'Europe, est la fermeture des frontières et le rejet de ces nouveaux damnés de la terre en haute mer ? Les gouvernements européens croient-ils sérieusement que la gestion des migrants par la force et la création de centres de rétention, y compris hors de l'Europe, suffirait à régler ce gros problème du nouveau millénaire ? L'Onu et les experts en la matière ont averti voilà plus d'une décennie du bouleversement géopolitique et humain qui menace le monde eu égard au déséquilibre nord-sud dans le développement aggravé par le réchauffement climatique et ses conséquences sur la vie des pays enclavés tels ceux sub-saharien et sud-est asiatique. Du coup, le mini-sommet européen qui s'est tenu dimanche à Bruxelles sur cette question ne pouvait amener rien d'intéressant. Pire, il a encaissé une nouvelle salve mettant en danger de survie l'Union européenne en tant qu'organisation politique régionale. Et pour cause : des membres à part entière de l'UE que sont des pays de l'Europe centrale et orientale ont refusé de participer au sommet de dimanche. Désignés désormais par le vocable «Visegrad», cinq pays que sont la Hongrie, la Tchéquie, la Pologne, la Slovaquie et l'Autriche, font de la résistance face à Bruxelles, ses institutions et ses politiques. La raison? Ils rejettent totalement les propositions de Bruxelles sur le partage et l'accueil des migrants quel que soit le quota attribué. Ils refusent d'accueillir le moindre migrant. Comme si cette fracture ne suffisait pas, une autre vient s'ajouter au sein de ceux qui ont accepté de participer au mini-sommet de Bruxelles par la dispute surannée, grossière et digne de ragots de bistrot entre la France et l'Italie notamment. Le chef de l'Etat français s'est laissé aller à des formules choquantes en évoquant «la lèpre du nationalisme en Europe» en visant l'Italie - et aussi l'Autriche, la Hongrie etc.- Ce à quoi a répondu le ministre de l'intérieur italien en évoquant «l'hypocrisie du président français» et d'ajouter en substance: «qu'il cesse de parler et donne l'exemple par des actes en cessant de rejeter les migrants à la frontière franco-italienne.» Du reste, les « absents » à la rencontre de Bruxelles avaient un argument de taille : les décisions qui devaient être prises avaient déjà été décidées par la France et l'Allemagne. Elles se résument en la construction de camps de rétention, ou centres de tri, hors Europe et aux frontières extérieures de l'Europe, ainsi que l'attribution de quotas de migrants à chaque pays membre de l'UE. Pourquoi aller à Bruxelles, puisque tout est décidé à l'avance, y compris la rédaction du communiqué final par deux pays que sont l'Allemagne et la France ? Fatalement la conception de ce mini-sommet va planer et annonce l'échec certain du Sommet semestriel de l'UE prévu jeudi et vendredi prochain. L'Italie -et le groupe Visegrad- ont averti : il n'est pas question d'accepter ces décisions dans leur totalité. «Emmanuel Macron et Angela Merkel se trompent en croyant que l'Italie va accepter des centres de tri chez elle en contrepartie de compensation financière», a déclaré le ministre de l'Intérieur italien. Cette façon de vouloir charger d'autres pays de l'accueil des migrants hors d'Europe a pourtant montré ses limites et son inefficacité. En effet, hormis la Turquie d'Erdogan qui a accepté de jouer le jeu contre un chèque de six milliards d'euros, les pays du sud comme l'Algérie, la Tunisie et même la Libye ont rejeté ce genre d'offre. Devenus eux mêmes des pays de transit et d'accueil de migrants subsahariens, les pays du Sud-méditerranée souhaitent une approche internationale sur la question par des politiques de coopération et d'aide au développement plus conséquentes. En cela ils rejoignent les alertes et les stratégies prônées par l'Onu depuis plus de 10 ans. Tant que l'échange économique inégal mondial continuera dans la logique capitalistique actuelle, l'écart se creusera entre pays riches et pauvres et aggravera les poussées et vagues migratoires. Les gouvernements européens ne sont pas naïfs et savent bien les raisons profondes à la base du phénomène migratoire, et pourtant ils campent sur des colmatages et fuites en avant par des réponses égoïstes, injustes et inhumaines. Ce qui est révoltant, incompréhensible et surtout dangereux pour tout le monde.