À moins d'une année de l'élection présidentielle, les partis de l'opposition, à quelques rares exceptions, semblent frappés d'inhibition, ne parvenant pas à trancher entre participation et boycott dans le cas où la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat se confirmerait. L'option d'un cinquième mandat pour le président Abdelaziz Bouteflika, défendue avant l'heure par les partis du pouvoir, notamment le FLN et le RND, semble dérouter la grande majorité des partis de l'opposition. En effet, hormis Jil Jadid de Soufiane Djilali, qui a d'ores et déjà annoncé qu'il boycottera cette élection dans ce cas de figure, le reste de la classe politique se montre plutôt prudent, sinon indécis par rapport à l'éventualité du cinquième mandat pour Bouteflika. Elle n'exprime pas de position tranchée tant que le concerné ne s'est pas encore prononcé. "Nous sommes viscéralement opposés à cette option. Si la candidature de Bouteflika se confirme, nous allons boycotter l'élection présidentielle de 2019 et nous appellerons à des actions de rue. Autrement, un boycott actif", a confirmé Habib Brahmia, chargé de communication de Jil Jadid. Les autres partis ne veulent pas rester sur une position manichéenne : concourir ou pas avec le candidat Bouteflika. La problématique, pour eux, est toute autre. Ils raisonnent en termes de système et non de personne. Les partis comme le RCD, le MSP, le FFS et le PT, le problème ne se pose pas en termes de candidats mais plutôt en termes de système. "Notre position est très claire : nous sommes contre Bouteflika mais nous sommes aussi contre le futur candidat du même système", a tranché le chargé de communication du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Yassine Aïssiouane, pour qui "une élection présidentielle doit être absolument gérée par une instance indépendante des élections". Une règle sans laquelle, selon lui, les élections ne seront jamais transparentes. Pour M. Aïssiouane, l'Algérie vit un problème de système et non pas un problème d'hommes et qui se pérennise au pouvoir grâce à la fraude électorale. "Ce n'est pas un problème d'hommes mais un problème de système. Il y a des gens qui voudraient se débarrasser de Bouteflika mais qui s'accommodent de la fraude, or le problème principal c'est justement la fraude. Il faut, donc, éradiquer la fraude à travers la mise en place d'une instance indépendante", a préconisé le porte-parole du RCD dont la position définitive du parti, soulignera-t-il, sera, néanmoins, arrêtée par le Conseil national. Le problème, c'est le système Quasiment même son de cloche chez le chargé de communication du Mouvement pour la société de la paix (MSP), Abdellah Benadjemia, qui écarte également la possibilité de participation à l'élection synonyme de caution à la candidature du Président sortant. "Nous écartons toute idée de participation et de caution du cinquième mandat. Pourquoi ? C'est parce qu'on avait déjà boycotté le quatrième mandat et depuis, il n'y a eu aucun changement, donc, nous n'allons pas, également, changer notre position. Néanmoins, nous ne savons pas si nous allons encore boycotter l'élection présidentielle de 2019 comme ce fut le cas en 2014", a-t-il dit, précisant que la décision sera prise au moment opportun par le madjliss echoura, (conseil consultatif), instance suprême du parti entre deux congrès. Il affirme, par ailleurs, que le MSP reste également intransigeant sur sa revendication "non négociable" pour la mise en place d'une instance indépendante d'organisation des élections. Ceci, tout comme il tient à son autre revendication phare, laquelle a trait à la nécessité de trouver un consensus national pour aller vers une transition démocratique. Le front des forces socialistes (FFS) déclare, à son tour, qu'il n'est "pas urgent" de se prononcer sur la position à adopter par rapport à l'éventualité annoncée du cinquième mandat. Pour lui, la priorité est de redresser la situation du pays otage du pouvoir en place. "Ce n'est pas urgent de se prononcer pour le moment. Nous sommes dans nos agendas et dans nos échéances puis nous avons des instances plus aptes à discuter et à débattre de toutes les éventualités. Actuellement, ce qui nous inquiète c'est la situation politique et économique du pays et toute la démarche du pouvoir qui a amorcé un virage dangereux vers la construction d'un Etat libéral en opposition à l'Etat social, conformément aux principes de la déclaration du 1er Novembre et du Congrès de la Soummam", a plaidé Jugurtha Abdou, chargé de communication du plus vieux parti de l'opposition. À son tour, Ramdane Taâzibt, dirigeant du Parti des travailleurs (PT), considère que "la question nodale, voire vitale, pour notre pays, c'est le changement du système". D'où, rappelle-t-il, l'appel de son parti à l'élection d'une Assemblée constituante. Selon lui, c'est la meilleure manière de "donner la parole au peuple afin qu'il choisisse lui-même quel régime, quelle Constitution et quelle politique il veut". Car, regrette-t-il, "le problème dans notre pays c'est que la souveraineté populaire n'a jamais été respectée depuis 1962". Donc, déduit-il, le problème ce ne sont pas les hommes, mais le système. Selon lui, aujourd'hui, l'Algérie traverse une situation telle que même "un président qui a toutes les volontés du monde ne pourra rien changer, tant qu'on est toujours en face d'un même système opaque où il n'y a ni justice indépendante, ni transparence dans la gestion des affaires de l'Etat, ni institutions et ni séparation du pouvoir". Pour M. Taâzibt, partir à l'élection présidentielle dans les conditions actuelles serait "une aventure". À ceux qui appellent au cinquième mandat, il répond que le PT "ne peut pas faire de la politique fiction tant que le concerné ne s'est pas encore prononcé". Nos tentatives d'avoir les avis du reste des partis politiques ayant un ancrage ont été vaines. Farid Abdeladim