C'est à une véritable dynamique du non que l'on assiste ces derniers jours dans l'Hexagone, au grand dam de Jacques Chirac, qui tentera une ultime fois de renverser la peur demain lors d'une intervention télévisée. À trois jours du référendum sur la Constitution européenne, le non a progressé de deux points avec 53% des intentions de vote, contre 47% pour le oui, selon un sondage Ipsos réalisé pour le compte du journal Le Figaro et de la radio Europe 1. Un autre sondage Ifop pour Paris Match accorde une progression de quatre points à 54% dans les intentions de vote pour le référendum sur la Constitution européenne. Le plus inquiétant est que plus des trois quarts des sondés disent qu'ils sont sûrs de leur choix à cinq jours du scrutin et 22% pensent qu'ils peuvent encore changer d'avis. Même si l'on s'attelle dans l'entourage du patron de l'Elysée à dédramatiser la situation, il n'en demeure pas moins que l'état d'alerte a atteint un seuil inacceptable. Partant de là, Jacques Chirac tentera de donner demain un dernier coup d'accélérateur à la campagne dans l'espoir de reprendre le dessus avant le scrutin de dimanche prochain. Dans un communiqué rendu public lundi soir, le palais de l'Elysée explique que “face à un choix qui fait appel à la responsabilité de chaque Français, le président veut souligner les enjeux essentiels de ce scrutin pour l'avenir de la France et de l'Europe”. C'est un véritable branle-bas de combat qui est enclenché par la droite avec les interventions du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, et du président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, qui ont uni leurs voix dans la bataille contre les partisans du non. “Le non de la France déboussolerait l'Europe. Sans réponse, sans perspective, l'Europe serait paralysée par la crise politique, avec de lourdes conséquences économiques”, a affirmé le Chef du gouvernement dans son allocution lors d'une réunion de campagne. Nicolas Sarkozy a tenté de discréditer les socialistes qu'il désigne comme étant à l'origine de cette ascension du non en raison de leur divergence interne. Il a notamment dit : “On ne peut pas mélanger la grande idée européenne avec la petite histoire du Parti socialiste.” Selon les analystes, la victoire du non engendrera inévitablement de grands bouleversements au sein du paysage politique français. Une chose est sûre, cette campagne serrée ne restera pas sans conséquences. “Si le non l'emporte, les conséquences seront fortes et graves”, estime le politologue Jean-Luc Parodi, directeur de la Revue française de science politique. Il ajoutera : “Si c'est le oui, chacun pourra retrouver ses marques petit à petit. Il n'y aura pas de grands vainqueurs, ni de grands vaincus.” Un rejet du traité serait aussi, bien sûr, un lourd échec pour le président Jacques Chirac, 72 ans, monté en première ligne pour tenter de convaincre les Français. Il en paierait alors le prix et, après dix ans de pouvoir, ses chances d'un troisième mandat à l'Elysée s'évaporeraient définitivement. À gauche, c'est une implosion du Parti socialiste qui est envisagée par les observateurs. K. ABDELKAMEL