À une majorité d'environ 55%, les Français ont rejeté, hier, le texte de la Constitution européenne. Cette victoire du “non” va avoir l'effet d'un séisme politique aussi bien en France qu'à l'échelle européenne. Séisme politique en France : comme redouté par les officiels, en premier chef, le président de la république française Jaques Chirac, la France a décidé de tourner le dos à la constitution européenne. Et le syndrome du “plombier polonais” aura joué dans la balance. Le référendum sur la constitution a finalement conforté les résultats donnés par plusieurs sondages quelques semaines avant le rendez-vous d'hier. Plus de 54, 5% de Français ont en effet dit non à la constitution européenne, soit quelque 15 millions de voix. Au-delà de cette victoire des partisans du non, somme toute prévisible au regard des intentions de vote dans les sondages, mais aussi par les appréhensions des français d'une Europe ultralibérale, le référendum a été également marqué par une participation record que l'Hexagone n'a jamais vécue depuis le référendum sur la régionalisation en 1969. Une participation aussi meilleure que celle du Traité de Maastricht en 1992. “C'est une épreuve pour la France et une vraie déception”, a estimé Michel Barnier, le ministre des affaires étrangères. Invité sur le plateau de la chaîne d'information en continu LCI, le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé a estimé, pour sa part, que la France s'installe dans une période difficile. “Nous sommes dans une période difficile”, a-t-il dit. De son côté Elisabeth Guigou, ancien ministre du Parti socialiste, a qualifié de “grave” le non exprimé par les français, lequel s'est révélé plus massif que celui des Irlandais et des Danois. Il reste que pour cette ancienne responsable politique, plusieurs raisons sont à l'origine de ce vote-sanction : d'abord la situation sociale de l'Hexagone. “C'est un vote d'exaspération sociale”, a-t-elle estimé. Ensuite la responsabilité du président Chirac. “Il y a une double responsabilité de Chirac. Il n'a aucun bilan ni aucune proposition pour l'Europe.” Enfin, la cacophonie qui a happé le Parti socialiste, incapable à leurs yeux de jouer sur une même partition. “La cacophonie au PS est en partie responsable. Nous étions incapables”, a-t-elle affirmé. Cependant, s'il est vécu comme un séisme, il reste qu'il va provoquer inévitablement de grands chamboulements au sein du pouvoir en France. D'ores et déjà, il est attendu la chute du premier ministre Raffarin et la dissolution de l'assemblée. Dans une brève intervention à la télévision, le président Jacques Chirac a annoncé “qu'il fera part de (mes) décisions dans les prochains jours”. Même s'il a tenté de rassurer ses partenaires européens en déclarant, notamment que la France “continuera à tenir ses engagements”, Jacques Chirac a reconnu toutefois que le non “crée un contexte difficile”. Dans le camp des partisans du non, l'heure est plutôt à la fête. Gérard de Villiers, l'un des farouches partisans du rejet, parle déjà de crise politique. Il a demandé rien moins que la démission du président et la dissolution de l'assemblée. Quant au clan des partisans du oui qui se recrutent essentiellement dans le PS, les Verts, l'UDF et l'UMP, les révisions déchirantes semblent plus que jamais imposées. Bref, la France, pourtant Etat-clé de l'union européenne, entre de plain-pied dans la tempête dont on ne peut mesurer dans l'immédiat les conséquences. KARIM KEBIR