A la veille du référendum, le «non» caracolait toujours en tête des sondages. Quarante deux millions de Français décideront aujourd´hui du sort du traité constitutionnel européen qu´ils doivent confirmer ou rejeter par référendum. Ce scrutin, que d´aucuns estimaient au départ n´être qu´une formalité, s´est révélé au long de la campagne électorale et des sondages -ceux-ci donnent le " non " large vainqueur de la consultation- , outre d´être un test crucial pour le gouvernement Chirac, un tournant stratégique pour la France au cas ou le non au traité européen l´emporte. Ce n´est pourtant pas faute des partisans du " oui " -à leur tête le président Chirac, et les principaux partis politiques français-, d´avoir, jusqu´à l´ultime instant, tenté de convaincre les Français que le " non " outre de marginaliser la France, -un des pays fondateurs de l´Europe et exégète de l´idée d´union entre les pays européens- la plongera dans une profonde crise politique. A la veille du référendum, les instituts de sondages donnaient toujours l´avantage au non qui semble même s´être détaché lors des dernières 48 heures avec des taux de 51% à 56% d´intentions de vote pour le " non " selon les instituts. La chute du " oui " dans les sondages vient après une ultime intervention du président Jacques Chirac qui adjure ses compatriotes à bien voter ce dimanche. C´est en fait à un appel désespéré que s´est livré le président français, dont la popularité, en chute libre, observe la même trajectoire que celle du oui qui éprouve des difficultés à emporter la conviction des Français. M.Chirac a ainsi affirmé qu´en cas de non "l´Europe sera en panne". Dans sa toute première intervention télévisuelle, le 14 avril dernier, devant des groupes de jeunes Français réunis pour la circonstance, M.Chirac appelant les Français à prendre la mesure de leur "responsabilité" dira à plusieurs reprises "n´ayez pas peur" affirmant que la victoire du non sera néfaste pour la France, soulignant qu´en cas de défaite du oui, "vous aurez en réalité 24 pays qui voteront oui et puis le mouton noir qui aura tout bloqué". En fait, beaucoup prédisent que le "non" de la France au traité constitutionnel européen aura les effets d´un véritable séisme et ouvrirait une grave crise, pas seulement en France, mais aussi dans l´Europe des 25, frappant l´Union européenne avec la force d´un boomerang. Aussi, les poids lourds de l´Europe se sont-ils directement impliqués dans la campagne française, à l´instar du chancelier allemand, Gerhard Schröder, qui était hier à Toulouse, ou le président du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero qui se trouvait à Lille pour soutenir les efforts des partisans du "oui". M. Zapatero, tout en appelant les Français à voter oui, fera remarquer "Depuis que l´UE existe, aucun pays n´a connu de dictature ni de guerre en Europe. Ceux qui veulent un monde plus juste (...) veulent une Europe plus unie". De son côté, M. Schröder a sollicité les Français à "voter oui de tout leur coeur et de toute leur tête" et de "dire clairement oui à la Constitution" pour laquelle "nous nous sommes battus". Dans cette course de sauvegarde du oui, le président en exercice de l´UE, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, s´est lui aussi investi dans cet effort européen de convaincre les Français à faire le bon choix, en insistant notamment sur le fait que le traité constitutionnel européen, que les Français trouvent trop libéral, ouvre au contraire la voie à la construction d´une Europe puissante, invitant les Français à faire à voter oui, indiquant "l´Europe et le monde ont les yeux vers eux et que leur choix concerne vitalement les Européens pour la première fois depuis la moitié du siècle dernier". M. Junker réfuta par ailleurs l´existence d´un plan B en soulignant "Il n´y a pas de plan B! S´il existait, le président du Conseil européen que je suis le saurait". C´est dire la gravité qui est conférée au scrutin d´aujourd´hui en France qui, en cas de vote négatif, ouvrirait une crise sans précédent dans les annales politiques françaises, dans la mesure où il impliquerait l´échec total de la classe politique française et des principaux partis, à leur tête le Parti socialiste de François Hollande et celui de l´Union de la majorité présidentielle (UMP) de Nicolas Zarkozy, singulièrement, qui se sont investis dans la campagne en appelant les Français à bien voter ce dimanche. Un échec du référendum sera également lourd de conséquences pour le président Chirac, même si celui-ci tente d´affirmer que son avenir politique n´est pas lié au résultat de la consultation référendaire. Il n´en reste pas moins qu´un "non" au traité constitutionnel européen aura l´effet d´une bourrasque sur l´échiquier politique français. De fait, à bout d´arguments pour tenter de rallier les indécis, certains commentateurs et politiciens à Bruxelles en sont même venus à espérer un renversement à la "Liverpool" à cette situation quasidésespérée dans laquelle se trouve le "oui" français face au "non". D´autant plus, qu´un "non" français risque de faire tache d´huile dans les autres pays européens, appelés dans les prochains jours et semaines à ratifier le texte européen. De fait, le "non" domine aussi dans les sondages aux Pays-Bas où les Hollandais sont appelés à voter mercredi prochain. C´est dire donc l´inquiétude des Européens, car un"non" de la France outre de ralentir la construction de l´Europe, aura la portée d´un fiasco et d´une grande défaite politique pour les dirigeants actuels de l´Union européenne.